«« Section II: Premiers ministres de 2001 à 2010
SECTION III
Premiers ministres de 2011 à nos jours
Les Premiers Ministres de Joseph Martelly
Désigné par le président Michel Joseph Martelly le 31 août 2011, Gary Conille fut ratifié successivement par la Chambre des députés et par le Sénat le 16 septembre et le 4 octobre et son gouvernement entra en fonction le 15 octobre. Le 24 février 2012, il annonça au grand public qu’il avait présenté sa démission au président Martelly. Son successeur, Laurent Salvador Lamothe occupait la fonction de ministre des affaires étrangères sous son gouvernement. Désigné le 1er mars 2012, le Sénat fut le premier à le ratifier (10 avril 2012) suivi plus de trois semaines plus tard par la chambre des députés (3 mai). Son énoncé de politique général reçut l’approbation des sénateurs et des députés respectivement le 8 et 14 mai. Il entra en fonction le 16 mai.
Travailleur infatigable, sa politique a été cohérente et consistante tout au cours de ses 941 jours passés à la tête de la primature. Il devint toutefois la victime de la politicaillerie aux contours catastrophiquement haïtiens et annonça aux premières heures du dimanche 14 décembre sa démission, répondant ainsi aux desiderata de plusieurs secteurs appuyés par une Commission présidentielle créée par le président au début du mois de décembre 2014.
Son ministre de la Santé publique, Dr Florence Duperval Guillaume, le remplaça à titre provisoire. Elle fut, quelques semaines plus tard, remplacée par le vétéran de la politique, Évans Paul. Nommé le 25 décembre 2015 il fut investi le 16 janvier 2015 sans une formelle approbation du parlement.
Le gouvernement Martelly/Paul échoua dans sa mission de mener à bien le processus électoral.
Un bureaucrate qui a servi toutes les administrations sur une période de 12 ans, Enex Jean-Charles remplaça Evans Paul à titre provisoire suivant l’Accord politique pour la continuité institutionnelle signé un jour avant la fin du mandat du Président Joseph Martelly. Le 9 février 2017, deux jours après l’investiture du nouveau président Jovenel Moïse, il démissionna officiellement par, dit-il, « courtoisie républicaine ». Il continua toutefois à liquider les affaires courantes jusqu’à l’investiture de son successeur, Dr. Jack Guy Lafontant.
La valse des Premiers Ministres
Médecin évoluant dans le cercle académique, Jack Guy Lafontant a été jusqu’à sa nomination un inconnu du monde politique. Désigné par le président Jovenel Moïse le 22 février 2017, il est investi le 21 mars 2017 après sa ratification par les membres des deux branches du parlement (16 mars par le Sénat; 21 mars par la Chambre des Députés). Le cabinet qu’il présenta aux législateurs est composé de 18 ministres, dont 13 hommes et 5 femmes. Il a été forcé de remettre sa démission à la mi-juillet 2018, une semaine après le déclenchement d’un mouvement de protestation émaillé de violences meurtrières, après que le gouvernement eut annoncé une forte augmentation des prix des carburants. Il fut remplacé par Jean-Céant, un non-allié au parti au pouvoir, le PHTK.
Notaire de profession, chef de parti politique et deux fois candidat à la présidence (2010 et 2015), il a été désigné par le président Jovenel Moïse le 5 août 2018, il a été approuvé respectivement par le Sénat le 15 septembre avec 21 pour, 5 contre et 2 abstentions et par les députés le jour suivant par 84 voix pour, 5 contre et 4 abstentions.
Les gros défis auquel faisait face le pays lors de sa nomination et de sa ratification n’avaient pas été surmontés durant son passage à la primature. Pire, la grogne populaire s’était amplifiée à un tel point que le pays se retrouva paralysé pendant la deuxième semaine de février 2019, une situation qui exposa les fissures dans sa relation avec le président Jovenel Moïse.
Sans soutien populaire, sans support du chef de l’État et sans la loyauté de ses ministres, il a été renvoyé ipso facto le lundi 18 mars 2019 par les députés.
Jean Michel lapin devint alors le chef intérimaire de la primature. Jusque-là ministre de la culture, Il a été nommé à titre provisoire après la motion de censure de la Chambre des députés à l’endroit de son prédécesseur, Jean Henri Céant.
Nommé Premier ministre a titre permanent, Jean-Michel Lapin n’a jamais pu passer l’étape de ratification par les deux chambres au Parlement, et ce, malgré trois tentatives de séances au Sénat. A chaque fois, un groupe de sénateurs de l’opposition s’y était opposé et eut gain de cause. Finalement après quatre mois d’échec, il remit, le lundi 22 juillet 2019, sa démission au président Jovenel Moïse affirmant avoir « fait un choix pour Haïti ». Il fut toutefois maintenu au poste comme chef d’un gouvernement liquidant les affaires courantes.
Son gouvernement évolua dans une crise politique intense qui débuta le 6 juillet 2018, avec une série de protestations à une décision inopinée d’ajustement des prix des produits pétroliers à la pompe pour se conformer à une entente avec le Fonds monétaire international (FMI) et qui atteignit un leur plus haut point durant l’automne quand le pays fut pratiquement bloqué.
De plus son gouvernement refusa d’organiser les élections législatives prévues à la fin de l’année 2019. Le parlement devint donc inopérant au début de janvier 2020. C’est dans ce contexte que le président annonça la nomimation d’un successeur, la deuxième après son propre échec [Voir: Premiers ministres désignés et non-ratifiés].
Le choix se porta sur Joseph Jouthe.
Sixième premier ministre à être nommé par le president Jovenel Moïse et quatrième à occupier le poste, Joseph Jouth fut pressenti comme chef de gouvernement le 2 mars 2020 en l’absence d’un parlement fonctionnel. Sa nomination n’a pas été donc ratifiée par les deux chambres du pouvoir législatif comme le veut la Constitution en vigueur. Deux jours plus tard il prit les rênes de la premature dans un climat de crises. Il hérita donc d’une situation dominée par une insécurité sociale et alimentaire grandissante, une économie exacerbée par le phénomène du pays “lock” qui avait entrainé, durant des mois, la paralysie de toutes les activités économiques et sociales du pays et le début d’une pandémie (COVID-19).
Sous son administration, les Haitiens continuèrent à vivre sous la terreur des gangs armés et des kidnappeurs qui affichaient une telle audace qu’on se demandait s’ils n’étaient pas protégés par le gouvernement et par des forces obscures puissantes. Une opération antigang, le 12 mars 2021, se termina en queue de poisson avec la saisie, par les malfrats, de véhicules blindés de la Police nationale d’Haiti et la mort suivie de saisie de cadavres de 4 policiers. Un mois plus tard, des prêtres catholiques se rendant à l’installation de l’un des leurs dans sa nouvelle paroisse, furent enlevés. Son gouvernement resta muet et passif, ce qui révolta la hiérarchie de l’Église catholique en Haiti. Et le Covid continua à terrasser sans inquiéter le gouvernement qui organisa même son carnaval national à Port-de-Paix.
Malgré ces urgences, le gouvernement qu’il dirigea avec Jovenel Moïse, se perdant dans des excuses boiteuses, continua à rendre l’opposition et les oligarques responsables de la détérioration sociale les accusant de tenir le pays en otage.
Quand Joseph Jouthe annonça sa demission le 14 avril 2021, après un an, un mois et 10 jours à la tête de la primature, elle fut immédiatement acceptée par le président. La majorité des Haitiens, quant à eux, vivaient une situation pire qu’avant le 4 mars 2020. Son manque de leadership et sa passivité face à la violence des gangs et de la pandémie tout en s’évertuant à amadouer les représentants de la communauté internationale en Haiti seront retenus par l’histoire.
Un pays sans Président, mais avec deux Premiers Ministres
Jouthe parti, le président Jovenel Moïse remit les clés de la prémature à son ministre des Affaires Étrangères, Claude Joseph, pour une période de 30 jours. Il fut reconduit deux fois de suite (14 mai et 14 juin). Entretemps, le président continua à inviter, du moins publiquement, les partis politique à une table de négociations. Ces derniers rejetèrent toute idée de négociations et continuèrent à demander son départ, affirmant que son mandat expira le 7 janvier.
Jovenel Moïse décida alors de remplacer le premier ministre intérimaire et annonça, le 5 juillet 2021, à travers un décret publié dans le journal official du gouvernement, Le Moniteur, la nomination d’Ariel Henry, un médecin chirurgien de 71 ans, comme future chef du gouvernement.
Le premier ministre pressenti occupa dans le passé plusieurs fonctions publiques. Il a été ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales sous le gouvernement Martelly/Paul, ministre des Affaires Sociales sous le même gouvernement. Il a été en outre, un membre du Conseil des Sages représentant la Plateforme Démocratique qui regroupait alors les partis hostiles au gouvernement de Jean-Bertrand Aristide. Il fut aussi membre du cabinet du ministre de la Santé publique de juin 2006 à septembre 2008, avant de devenir chef de cabinet de septembre 2008 à octobre 2011 sous la présidence de René Préval. Le président Moïse lui confia la mission de « former un gouvernement d’ouverture », de « résoudre le problème criant de l’insécurité » et d’œuvrer « pour la réalisation des élections générales et du référendum ».
Deux jours plus tard, Jovenel Moïse fut assassiné (7 juillet).
Dans les jours qui ont suivi l’assassinat, un bras de fer entre Claude Joseph, qui disait qu’en l’absence d’une installation formelle d’Ariel Henry, il était le premier ministre et ce dernier qui revendiquait le poste au nom de sa récente nomination. Il a donc fallu l’intervention du CORE GROUP qui opta pour Henry pour que Claude Joseph accepta enfin d’être remplacé. Henry entra en fonction,le 20 juillet 2021, avec un cabinet ministériel de 18 membres dont Claude Joseph qui retint son poste de ministre des Affaires Étrangères.
Chef d’un gouvernement monocéphale
Après la cérémonie d’installation, le nouveau Premier ministre promit de rétablir l’ordre et d’organiser nouvelles élections présidentielles « dans les plus brefs délais ». Une promesse non réalisée. Au cours de ses 32 mois au pouvoir, aucune élection n’a eu lieu. Henry a pourtant travaillé sans relache pour consolider son pouvoir, ignorant les problèmes de securité, ses critiques et les Haitiens qui se montraient de plus en plus impatients devant la montée de la violence des gangs et l’impuissance du gouvernement.
Le 7 février 2024, les Haitiens, qui espéraient l’entrée en fonction d’un nouveau président et ne détectant aucune volonté manifeste du gouvernement en ce sens, se révoltèrent publiquement par des manifestations de rue avec pour exigence, la démission immédiate du premier ministre qui proposa alors une nouvelle échéance électoral (AoÛt 2025). Toutes les démarches d’Ariel Henry se résumaient à faire venir une force internationale. Kenya dit-on, « se porta volontaire » pour envoyer en Haïti un déploiement de policiers. Au moment des grandes manifestations de Février, il se trouvait donc dans ce pays africain pour signer un accord sur le déploiement des policiers Kenyans. Alors qu’il s’apprêtait à retourner au pays, des gangs bloquèrent et paralysèrent l’Aéroport après avoir attaqué la prison principale pour libérer des détenus, et ciblé des commissariats de police. Il n’a jamais pu retourner au pays et demissionna formellement au mois d’Avril suivant.
Un Conseil présidentiel de Transition, fut chargé de gouverner et nomma Garry Conille premier ministre intérimaire.