Origine:
Catalyseur dans l’organisation de la révolte de 1791:
Religion interdite:
De cette époque jusqu’au mois d’avril 2003 quand un arrêté du gouvernement de Jean-Bertrand Aristide le déclara « religion à part entière », le vodou ne jouissait d’aucune reconnaissance légale. Plusieurs gouvernements ont essayé d’interdire sa pratique, y compris l’administration de Toussaint Louverture (Voir: 4 janvier 1800).
Quelques exemples:
Le président Fabre Geffrard, qui avait signé un concordat avec l’Église catholique, interdit les danses du Vodou, « faisant saisir et brûler les drapeaux, les tambours, tout le matériel des sociétés, faisant arrêter et emprisonner comme cannibale, comme anthropophage, tout individu réputé à tort ou à raison, papa-loi ou maman-loi. »(2)
A la date du 15 mars 1912, le président Cincinnatus Leconte, à l’occasion du carême et probablement encouragé par les hiérarchie catholique qui faisait dejà flotter l’idée d’une campagne anti-superstitieuse, avait rappelé dans une une lettre circulaire, aux commandants des arrondissements de sévir contre ceux qui « se livrent à des pratiques superstitieuse » en appliquant les peines prévues par les articles 405(3), 406(4) , 407(5) du Code Pénal et l’article 111(6) du Code Rural.
Son successeur, Tancrède Auguste, dans une circulaire datée du 26 octobre 1912 recommandait aux Commandants des arrondissements de donner tout leur concours aux Ministres de Dieu dans leurs oeuvres de moralisation et de contribuer avec eux, à extirper dans les campagnes, les superstitution qui causaient tant de mal aux populations.
Pendant l’occupation américaine, la machine de propagande de l’occupant fit du vodou un « obstacle à la civilisation » et un champ où s’épanouit le démon (7); une thèse qui sera reprise par Pierre Pluchon presqu’à la fin du 20è siècle, en y ajoutant l’élément perversion (8).
Le vodou fut l’objet de persécutions ouvertes et officielles pendant la fameuse campagne anti-superstitieuse sous le gouvernement d’Elie Lescot, ou sournoises après la chute du gouvernement de Jean-Claude Duvalier et, sur une base presque quotidienne, par des ministres des cultes reformés. En 2011, les vodouisant, dans certaines régions, furent accusés d’être les agents de propagation du choléra. Certains furent assassinés par des ignorants.
N’empêche que les vodouisants n’avaient cure de ces dangers ou des critiques, et continuaient de pratiquer leur culte en privé ou publiquement dans leurs woufò, les lieux sacrés et lors des fêtes propres. Alors que d’autres, pratiquants ou non, le célébraient à travers des expressions culturelles comme les danses folkloriques, la musique dite « racine ». Certains gouvernements l’utilisaient même à des fins purement politiques.
Objet d’études et reconnaisannce:
Pendant cette même période et tout au cours du 20è siècle, le vodou fut l’objet d’études ethnographiques très avancées, certaines décrivant un système théologique extrêmement complexe. Les arguments et les recherches des académiciens ne changèrent pourtant pas la perception de ses détracteurs.
L’Arrêté du 4 Avril ne vint donc qu’entériner cette pratique religieuse, jusque là clandestine, en la plaçant sous la protection des lois et institutions du pays au même titre que toutes les autres religions.
Aujourd’hui, de rares wougans sont reconnus par l’État haitien comme ministres religieux du vodou, après avoir, selon les directives de l’article 5 de l’Arrêté du 4 Avril. Ils peuvent ainsi officier les cérémonies de mariage, de baptême et des funérailles, au même titre que les prêtres catholiques, les pasteurs des cultes réformés.
Malgré cette reconnaissance le vodou tarde à se doter de structures solides qui lui permettraient convaincre les sceptiques et détracteurs, de ritualiser les manifestations et cultes.
✍ Notes:
- Hyrbon, Laennec (éditeur). L’Insurrection des esclaves de Saint Domingue. Paris: Katharla, 2000.
L’un des trois thèmes traités dans cet ouvrage issu d’une table ronde internationale organisée à Port-au-Prince en 1997 sur le début de la révolution haitienne, est la dimmention mythique de la cérémonie du Bois-Caiman.
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Mennesson-Rigaud, Odette. “Le Rôle Du Vaudou Dans L’indépendance D’Haïti.” Présence Africaine, no. 18/19, 1958, pp. 43–67. - Hannibal Price (1841-1893). De la Réhabilitation de la race noire. Port-au-Prince : J. Verrollot, 1900; p. 442.
- Article 405 du Code Pénal(1864):
« Tous faiseurs de ouangas, caprelatas, vaudoux, dompèdre, macandals et autres sortilèges seront punis de trois à six mois d’emprisonnement et d’une amende de soixante gourdes à cent cinquante, par le tribunal de simple police. » (abrogé en 1935) - Article 406 du Code Pénal (1864):
« Les gens qui font métier de dire bonne aventure ou de deviner, de pronostiquer, d’expliquer les songes ou de tirer les cartes, seront punis d’un emprisonnement de deux mois au moins et de six mois au plus et d’une amende de cent gourdes à cinq cents gourdes. » - Article 407 du Code Pénal (1864): » Les instruments ustensiles et costumes servant ou destinés à servir aux faits prévus [pr/vus par les articles 405 et 406], seront saisis et confisqués. » (abrogé en 1935)
- Article 111 du Code Pénal (1863):
« Aucun travailleur à l’entreprise ou à la journée ne peut abandonner son travail pour se livrer à des festins les jours ouvrables. Aucune danse, ni festin ne peut se prolonger la nuit au-delà de minuit; tout délinquant aux présentes dispositions sera puni de l’emprisonnement. » - Voir le livre de William Buehler Seabrook, Voodoo Island : first eye-witness account of the secret rites of Voodoo (New York : Lancer Books, [©1929]) traduit plus tard en français sous le titre de Ile magique (Paris : Firmin-Didot, 1929).
- Pluchon, Pierre. Vaudou, sorciers, empoisonneurs : de Saint-Domingue à Haïti. Paris : Karthala, 1987.