1250.030.- Protocole d’Accord Entre le Saint Siège et Haïti (1984)

Classification Religions et Croyances

Le concordat de 1860 accordait au président d’Haiti le droit exclusif de nommer des évêques et au Saint Siège revenait la tache de leur trouver idoines (article 4). Un serment de fidélité au gouvernement était également prévu avant que le prélat prenne charge de son diocèse (article 5). Ces deux articles ont été longtemps décriés par le clergé d’Haiti et ceux qui voulaient voir une séparation patente de l’État et de l’Église.

Le président Jean-Claude Duvalier, décida donc de renoncer à ce privilège et en fit part au Pape Jean-Paul II lors de sa visite historique en Haiti le 9 mars 1983. Dix-sept mois plus tard, un protocole d’accord fut signé entre le gouvernement d’Haiti représenté alors par le ministre des affaires étrangères, Jean-Robert Estimé et le Saint-Siège qui avait fait de Mgr Achille Silvestrini, secrétaire du conseil pour les affaires publiques de l’Église, son plénipotentiaire.

L’article 4 révisé accorde désormais au Saint Siège le droit exclusif de nommer les archevêques et évêques dans la mesure où ces deniers soient de nationalité haïtienne, et que le nom de l’élu soit communiqué au gouvernement haïtien avant toute annonce publique.

Les évêques et archevêques qui jusque là juraient fidélité au gouvernement en place, feront désormais un serment de « fidélité à la constitution d’Haiti en vue de la poursuite du bien commun… ». C’est ce qui ressort de la révision de l’article 5.

Voici donc le texte du dit protocole:

Protocole de Révision du Concordat du 18 mars 1960

Considérant le voeu exprimé par le Concile Vatican II dans son Décret « Christus dominus » sur la charge pastorale des Évêques dans son paragraphe 20;

Considérant la décision de Son Excellence Jean-Claude Duvalier, Président à vie de la République d’Haïti, de renoncer de lui-même, en accord avec le Saint-Siège, aux droits et privilèges dont il jouit en vertu de l’article 4 du Concordat du 28 Mars 1860, de nommer les Archevêques et Évêques;

Faisant suite à la promesse faite par le chef de l’État Haïtien à sa Sainteté le Pape Jean Paul II, à l’occasion de sa visite pastorale en Haïti, le 9 Mars 1983;

En conclusion des négociations qui se sont déroulées à Port-au-Prince et au Vatican entre les Représentants du Saint-Siège, à savoir Son Éminence le Cardinal Agostino Casaroli, Secrétaire d’État, Son Excellence Monseigneur Achile Silvestrini, Secrétaire du Conseil pour les Affaires Publiques de l’Église, et le Nonce Apostolique à Port-au-Prince, et, d’autres part, ceux du Gouvernement Haïtien: Son Excellence Monsieur Jean-Robert Estimé, Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, son Excellence Monsieur Pierre Pompée, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire auprès du Saint-Siège, il a été convenu de réviser les articles 4 et 5 du dit concordat qui dorénavant se liront comme suit:

Article 4:
La nomination des Archevêques et des Évêques, soit diocésains, soit titulaires, est de la compétence exclusive du Saint-Siège.

Les Archevêques et les Évêques diocésains ainsi que les Évêques Coadjuteurs avec droit de succession seront des citoyens haïtiens.

Avant de nommer un Archevêque ou Évêque diocésain ou un coadjuteur avec droit de succession, le Saint-Siège communiquera confidentiellement au Gouvernement Haïtien le nom de l’ecclésiastique choisi pour savoir s’il y a quelque objection précise de nature politique générale à son égard.

Le Gouvernement Haïtien donnera sa réponse dans un délai de trente jours qui pourra s’étendre à soixante jours dans certains, sur la requête du Gouvernement. Ce terme échu, le silence du Gouvernement sera interprété dans le sens qu’il n’a pas d’objections à opposer à la nomination.

Il demeure entendu que, à tout moment, la nomination susdite sera effectuée avec la plus grande réserve.

Article 5:
En tant que citoyens haïtiens, les Archevêques et les Évêques diocésains ainsi que les Évêques Coadjuteurs avec droit de succession, avant d’entrer dans l’exercice de leur mission pastorale, confirmeront devant le Chef de l’État leur fidélité à la nation avec les paroles suivantes:

« Je promets et je m’engage à garder respect et fidélité à la Constitution d’Haiti en vue de la poursuite du bien commun du Pays et de la défense des intérêts de la Nation. »

Ce même serment sera prêté par les Vicaires généraux, les Curé des Paroisses et les Chefs d’école ou institutions religieuses, avant d’exercer leurs offices, devant l’autorité civile désignée par le Chef de l’État.

En foi de quoi les Représentants de deux parties ont procédé à la signature du présent protocole, fait en français et en double original, l’un destiné au Saint-Siège et l’autre au Gouvernement Haïtien.

Palais national, Port-au-Prince, Haiti, le 8 août 1984.

Pour le Saint-Siège:
  • Achille Silvestrini
    Archevêque titulaire de Novaliciana
    Secrétaire du conseil pour les Affaires Publiques de l’Église
Pour la République d’Haïti:
  • Jean-Robert Estimé
    Ministre des Affaires Etrangères et des Cultes
  • Acta Apostolicae Sedis: Commentarium Officiale. Citta de Vaticano: Typis Polyglottis Vaticanis, 1984; pp. 953-955.
  • « Protocole d’accord portant révision sur les articles 4 et 5 du Concordat du 28 mars 1860 » In Pascal-Trouillot, Ertha, Codes de lois usuelles mises à jour par Ertha Pascal Trouillot. Vol. II Ottawa, Ont, Canada: Editions Semis, 1989; pp. 472-473..

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