L’Eglise catholique, telle que nous la concevons aujourd’hui, se développe à partir des petites communautés chrétiennes romaines. Rome fut et est considérée comme le premier siège épiscopal. L’Eglise catholique survécut la chute de cette ville (476 AD) et, à travers une oeuvre missionnaire intense et agressive devint non seulement l’une des forces dominantes et dominatrices de l’Europe mais aussi la religion pratiquée aux quatre coins du monde.
Au Moyen-Age, l’Église catholique à travers ses universités, bibliothèques et monastères, fut la gardienne et la promotrice de la culture et de la civilisation occidentale.
L’Église catholique s’établit en Haiti, apparemment dès le débarquement des premiers Européens conduits par Christophe Colomb. Le 3 Mai 1493, le Pape Alexandre VI accorda à l’Espagne les terres nouvellement découvertes à condition que des hommes de grande foi et habiles à former à la foi catholique y soient envoyés.
Les Bénédictins furent les premiers religieux à débarquer dans la nouvelle colonie. Ils seront suivis par les Franciscains, les Dominicains (Ordre Prêcheurs de Saint Dominique), les Capucins et les Jésuites. Les dominicains, à travers Las Casas, devinrent les défenseurs farouches des Indiens et suggérèrent, pour les remplacer dans les mines et dans les champs, l’importation des noirs d’Afrique jugés plus robustes et plus aptes à supporter les affres des travaux des mines et des champs.
Les Français, qui remplacèrent en deux temps les Espagnols dans l’île (Traité de Ryswick [1697] et Traité de Bâle [1795]), se soucièrent peu de la transmission de la foi catholique et persécutèrent même les zélés missionnaires qui essayèrent d’évangéliser les esclaves. « Dans ce milieu, raconte Cabon, il est admis qu’on affecte l’irréligion la plus profonde et l’impiété la plus grossière. S’il l’on garde néanmoins quelque déférence pour le prêtre, c’est uniquement parce que le prêtre est appelé à rendre service en contenant les esclaves: la religion n’est bonne que pour le peuple » (1). C’est d’ailleurs ce qui explique l’expulsion des Jésuites en 1763, et leur remplacement par des prêtres peu soucieux de leurs devoirs et responsabilités religieux.
Aux premières décades de la période haïtienne, la situation de l’Église catholique en Haiti ne s’améliora guère, puisque, à côté d’une pénurie de bon prêtres, nous retrouvâmes, en son sein, des missionnaires à la foi chancelante, sans attache avec Rome, sans préoccupation évangélique pour les fidèles Haïtiens et grands meneurs d’intrigues.
Durant sa présidence, Jean-Pierre Boyer (1818 – 1843) sollicita plusieurs fois un concordat avec Rome. Cette dernière tout en accédant à la demande d’Haiti ne voulut nullement approuver les premiers documents issus des négociations avec les représentants du gouvernement haïtien. Il a fallu attendre l’arrivée au pouvoir du Général Geffrard pour que le 28 Mars 1860 un accord fût approuvé et signé par les deux parties.
Ce Concordat et l’arrivée de missionnaires valeureux permirent à l’Église catholique d’Haiti de projeter une bien meilleure image avec la création de diocèses et la nomination d’archevêque et d’évêques. Le clergé se mit à bâtir des structures devant aider à une meilleure évangélisation des fidèles et l’éducation des enfants et des jeunes: des centaines d’églises et écoles furent construites, des milliers de chapelles érigées. Toutefois, le clergé français sembla peu soucieux d’attirer des vocations haïtiennes. Le premier séminaire pour les vocations haïtiennes ne vit le jour que quelques soixante ans après la signature du Concordat. A son inauguration, on enregistra sur tout le territoire 4 prêtres catholiques d’origine haïtienne. Trois décennies plus tard, à l’avènement de François Duvalier à la présidence, moins d’un quart des prêtres diocésains étaient Haïtiens(2).
En 1957, à la veille de l’élection de François Duvalier, l’Église catholique occupa dans la société civile une position extrêmement confortable et très enviée par les autres cultes. Subventionnée par l’état, presque tous les sièges épiscopaux sont occupés par des titulaires à qui le peuple et les élites prêtèrent une oreille attentive, pourtant tous, à l’exception de l’auxiliaire de Port-au-Prince d’alors, détenaient un passeport étranger.
Duvalier, conscient de son autorité sur le peuple et pour ne pas l’aliéner, projeta, à travers la campagne, l’image d’un fervent catholique, sans toutefois couper court aux rumeurs persistantes de son affiliation au culte vodou.
Deux ans après son élection, se référant apparemment à un plan bien établi, il procéda méthodiquement à sa décapitation et son silence, à travers des expulsions en série, des placements en résidence surveillée de prélats qui lui firent des suggestions déplaisantes et l’obligation de serments d’allégeance imposée à tous les clercs en position d’autorité.
Le Saint Siège afficha d’abord sa désapprobation à travers des décrets d’ex-communion, mais dut se résigner à entamer des discussions avec le gouvernement, surtout après que son chef s’auto-proclama président à vie. Ainsi en 1966, à la suite d’un accord signé entre le gouvernement haïtien et le Saint-Siège, un archevêque et quatre évêques Haïtiens furent nommés remettant ainsi la responsabilité de l’Église aux mains des Haïtiens.
Timide et loyale au gouvernement au début, la hiérarchie de l’Église d’Haiti, composée majoritairement d’Haïtiens, devint une décade après le sacre des prélats autochtones, une autorité à qui on prête une oreille attentive et une référence pour les promoteurs des droits humains. Au commencement des années 80, cette église fut d’ailleurs la seule institution qui osa lever de façon unanime et publiquement la voix contre les abus du gouvernement de Jean-Claude Duvalier. Elle fut en cela encouragée par le Pape Jean-Paul II, lors de sa brève visite en Haiti le 9 Mars 1983.
Depuis plus d’un quart de siècle, elle ne semble être qu’un reflet de la société haïtienne avec les divisions alimentées par les mêmes tendances et options politiques. Certains osent même parler de deux églises. Elle est toutefois continuellement en recherche et structurellement en construction, à la suite du tremblement de terre de janvier 2010 qui a détruit plusieurs de ses édifices et emporté certains de ses prélats dont l’archevêque de Port-au-Prince d’alors, Mgr. Joseph Serge Miot.
Statistiques
Au tout début du 20è siècle (1900), L’Église catholique d’Haiti comptait un archidiocèse, 4 diocèses sous le guide pastoral d’un archevêque et deux évêques assistés par 150 prêtres religieux et diocésains(3).
Port-au-Prince | 17 paroisses | 50 prêtres |
Cap-Haitien | 25 paroisses | 40 prêtres |
Cayes | 23 paroisses | 36 prêtres |
Gonaives | 09 paroisses | 15 prêtres |
Port-de-Paix | 04 paroisses | 09 prêtres |
62 ans plus tard, le nombre des évêques passa à 7 dont (dont 2 émérites), le nombre de paroisses à 173. Pour leurs besoins spirituels, les fidèles, au nombre de 3.420.170, pouvaient faire appel à 443 prêtres dont 125 Haïtiens(4).
Aujourd’hui, l’Église catholique d’Haiti compte 2 archidiocèses (Cap-Haïtien et Port-au-Prince), 8 diocèses, un cardinal, 3 archevêques dont un émérite, 11 évêques en Haiti (dont 2 auxiliaires et un émérite) et un évêque dans la diaspora (Mgr. Fabre-Jeune, Évêque de Charleston dans l’État de South Carolina), un clergé à majorité autochtone administrant les quelques 500 paroisses et des centaines d’écoles congréganistes, animant les communautés religieuses et centres pastoraux ou de spiritualité. Elle se dédie encore, malgré les divisions mentionnées plus haut à l’éducation, à l’évangélisation et à la promotion humaine et sociale des Haïtiens. Leurs institutions scolaires demeurent les plus performantes du pays.
✍ Note:
- Cabon P.A. Notes sur l’histoire religieuse d’Haïti: de la révolution au concordat (1789-1860). Port-au-Prince: Petit Séminaire Collège Saint Martial, 1933; p. 26.
- Nicholls, David. « Politics and Religion in Haïti » Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique Vol. 3, No. 3 (Sep., 1970), p. 403.
- Maisonneuve, Gerard F. Calendrier de l’Église catholique d’Haiti. Port-au-Prince: s.n. , 1962; p. 16.
- Ibidem, p. 22.