Le 22 Juillet 1795, l’Espagne qui occupait jusque là la partie orientale de Saint Domingue (aujourd’hui, République Dominicaine), signa à Bâle un traité avec la France. Par ce traité, Saint Domingue , dans toute son étendue, devint une colonie française. Toutefois, ce traité n’atténua pas l’envie des autres nations impérialistes de l’europe sur l’ile. La France, prise dans l’engrenage des guerres en Europe, n’avait pas assez de troupes coloniales pour défendre sa chère colonie et dût se remettre aux leaders noirs et mulâtres pour la protéger.
Après la débâcle insurrectionnelle du trio Boukman, Jean-François et Biassou, Toussaint Louverture fut propulsé au devant de la scène militaire d’abord et politique ensuite. En juillet 1801, après la proclamation de sa constitution, il devint donc le gouverneur de Saint-Domingue, ce qui suscita bien des appréhensions chez Bonaparte, alors Premier Consul de France; appréhensions alimentées par des rumeurs faisant du nouveau gouverneur, un séparatiste. Toussaint Louverture, en fait, avait « inventé une forme constitutionnelle nouvelle, qui n’était ni l’État fédéral, ni l’État confédéré, mais l’État associé, dont on parlera beaucoup plus tard dans d’autres négociations entre colonies et métropole. »1
A côté de la Constitution de 1801, Toussaint réorganisa toute l’administration. Il établit des écoles, créa des bourses d’études à l’intention des jeunes de la colonie, forma une armée stable, promulgua un code rural. La colonie retrouvait une certaine prospérité. Des colons qui avaient fui rentraient et retrouvaient avec sa permission leur propriétés. Même les mulâtres qui avaient participé à la guerre civile de 1799 et 1800 sous la conduite d’André Rigaud et qui ne s’étaient pas expatriés comme leurs chefs, étaient protégés. Les noirs étaient forcés cependant de regagner leurs ateliers. Ces réalisations étaient bien sûr dues au génie de Toussaint mais aussi au jugement et loyauté de ses lieutenants dont Dessalines dans l’Ouest et Henri Christophe dans le Nord.
En France, Cependant, Napoléon, après avoir conquéri la majeure partie de L’Europe, se retourna vers Saint Domingue avec l’intention de rétablir l’esclavage et de déporter les chefs noirs. Il envoya donc une armée de 22,000 hommes sur 76 vaisseaux, sous les ordres de son beau-frère, le général Victor-Emmanuel Leclerc.
Le 1er. février 1802, cette flotte arriva devant le Cap et Leclerc somma Henri Christophe commandant de la ville, de la lui livrer dans les 24 heures. Ce dernier préféra donc la réduire en cendres plutôt de la livrer aux forces expéditionnaires. qui menèrent alors une attaque touts azimuts. Malgré la défense héroïque des noirs sous la conduite de Christophe, de Dessalines, de Lamartinière, de Maurepas, de Magny, les Français se rendirent au début facilement maîtres de Saint Domingue point par point. Ainsi, la première tentative d’indépendance échoua, et Leclerc profita de cet échec pour décapiter l’armée coloniale de son chef. En effet, Toussaint qui s’était retiré sur son habitation à Ennery fut attiré dans un guet-apens. Arrêté, il fut embarqué pour la France où on l’enferma au Fort-de-Joux, dans les montagnes du Jura. Il y mourut le 7 avril 1803.
La tentative de Leclerc de rétablir l’esclavage, la déportation des chefs indigènes suscitèrent l’opposition des noirs de Saint Domingue qui avaient commencé à manifester une certaine soumission aux troupes françaises; opposition conduisant à une résistance active pratiquée à travers la guérilla d’abord, et une guerre conventionnelle sans merci ensuite, quand les affranchis mulâtres se rallièrent à la cause des noirs et entrèrent dans une alliance avec eux pour la libération.
Leurs avantages: Ils étaient nés dans la colonie et connaissaient donc bien les aspérités du milieu. Ils étaient de surcroît acclimatés aux fatigues et pouvaient éviter les pièges funestes de la nature. A travers donc des harcèlements sans répit, des embuscades en cascade, de longs sièges et aidés par une épidémie de fièvre jaune qui emporta, entre autres, le chef de l’expédition, le général Leclerc, les Haïtiens finirent par forcer la capitulation des Français après l’éclatante victoire de la Crête à Pierrot. Rochambeau, qui avait succédé à Leclerc, et dont la cruauté surpassait des colons les plus sadiques, capitula alors et s’embarqua pour la France à la fin du mois de novembre 1803.
Les esclaves d’hier et les affranchis mulâtres qui subissaient les vexations des colons, venaient de réaliser une geste héroïque jusque là impensable et inédite, et jusqu’ici jamais égalée dans l’histoire de l’humanité, mettant fin à une histoire des plus amères; histoire qui suscite, quand évoquée par les arrières-petit-fils de ces anciens esclaves, des sentiments de révolte, d’indignation, mais aussi de fierté.
Pour rendre officielle la victoire et fêter avec pompe l’indépendance, Dessalines convoqua une assemblée. Boisrond Tonnerre fut chargé de rédiger l’Acte de l’Indépendance. Les cérémonies accompagnant la proclamation de l’indépendance se déroulèrent aux Gonaïves le 1er janvier 1804.
✍ Notes:
- Laurent-Ropa, Denis. Haiti: une colonie française 1625-1802. Paris: L’Harmattan, 1993; p. 264.
- « Rochambeau… waged desultory warfare, hanging, shooting, drowning, burning all the negroes he could catch; huntin them with fifteen bloodhound bought in Jamaica for more than a hundred dollar each. »
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Rochambeau … mena une guerre sans merci contre les noirs. Capturés, ces derniers étaient pendus, fusillés, noyés, brulés vifs. Avec des limiers achetés à raison de $100.00 l’unité, ils les pourchassaient partout. [Leyburn, James Graham. The Haitian people. Caribbean series (New Haven, Conn.), 9. New Haven, Yale University Press, 1966; pp 30-31.