Originaire du Nord-Ouest, Émile Jonassaint naquit à Port-de-Paix le 13 mai 1913. Il débuta sa carrière politique au début des années 1950 dans le sénat de la République. Pendant le gouvernement des Duvalier, il se retira de la politique, et se limita à pratiquer le droit comme avocat et professeur. En 1986, il devint le président de l’Assemblée constituante qui accoucha la Constitution de 1987. Membre de la Cour sde Cassation au moment de l’investiture du président Jean Bertrand Aristide, il reçut l’ordre de démissionner en raison de son âge, mais revint à son poste après que l’armée eut pris le pouvoir.
Le 11 mai 1994, les militaires putschistes alliés au bloc du Sénat présidé alors par Bernard Sansaricq, voulant donner une apparence de légitimité à leurs actes, nommèrent Émile Jonassaint président provisoire d’Haïti. Par cet acte, ils ignorèrent complètement le gouvernement du premier ministre Robert Malval qui, quoique démissionnaire au moment de leur choix, liquidait les affaires de l’état et était plus ou moins accepté par cette faction de la communauté internationale qui menait le jeu en Haiti.
Ce fut la troisième tentative des militaires de combler le vide au niveau de l’exécutif. La première a été faite avec le tandem Joseph Nérette (président provisoire du 8 octobre 1991 au 19 janvier 1992) flanqué de Jean-Jacques Honorat comme premier ministre. Une deuxième expérience fut alors tentée avec Marc Louis Bazin, ancien ministre des Finances sous le gouvernement de Jean-Claude Duvalier (3 février 1982 – 12 juillet 1982), et fondateur du parti politique Mouvement pour l’Instauration de la Démocratie en Haiti (MIDH). Premier ministre, ce dernier dirigea un gouvernement monocéphale (sans président) du 19 Juin 1992 au 8 Juin 1993.
Jonassaint forma un gouvernement composé de 12 ministres, tous des civils mais reconnus pour leur position d’extrême droite. Les pays qui supportaient le président Jean-Bertrand Aristide, alors en exil, l’ONU et l’OEA se démenaient diplomatiquement pour faciliter son retour, évitèrent tout contact avec son gouvernement et maintinrent l’embargo à l’encontre d’Haïti. Toutefois, une délégation américaine officieuse dirigée par l’ancien président des chefs d’état-major américain, le général Colin L. Powell et composée du sénateur démocrate de l’état de la Géorgie, Sam Nunn, et de l’ancien président Jimmy Carter arriva en Haiti à la mi-septembre de 1994. Elle entama des négociations avec Jonassaint qui durèrent deux jours. De ces négociations résulta un accord signé le 18 septembre 1994 qui recommandait la démission et le départ du général Raoul Cédras, la face visible du coup d’état, et d’autres chefs militaires. En échange, les sanctions économiques seront levées et le une amnistie accordée aux putschistes. Les troupes américaines débarquèrent immédiatement.
Après le débarquement, Jonassaint refusa de laisser le palais national sous prétexte que l’Accord du 18 septembre n’avait pas été respecté. Mais avec la désintégration des forces armées, son unique soutien, il vida, le 12 octobre 1994, ses bureaux. Jean-Bertrand Aristide arriva de l’exil le 15 octobre suivant.
Son court mandat a été marqué par des violations des droits de l’homme, la suspension des garanties constitutionnelles de base. Ses confrères l’accusaient d’avoir violé les principes de la profession juridique par excès de zèle et en supportant l’état d’urgence et en expulsant la Mission conjointe des Nations Unies- et de l’Organisation des États américains qui surveillait les violations des droits de l’homme. Cette dernière avait juste quelques heures pour quitter le pays.
Après avoir abandonné la vie publique, Jonassaint dédia une grande partie de son temps à ré-explorer sa bibliothèque personnelle, qui comprenait de nombreux livres de lois et des textes ésotériques. Un an plus tard, le 24 octobre 1995, il rendit son dernier souffle chez lui à Port-au-Prince. Il était âgé de 82 ans.
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