6560.004.- Proclamation du président Jean Pierre Boyer datée du 26 Octobre 1820

Classification  Histoire et Société

Proclamation publiée par le président Jean-Pierre Boyer le jour de son entrée au Cap-Haitien, suite au suicide du roi Henri Christophe. Le Royaume du Nord cessa alors d’exister mettant ainsi fin à la scission du Nord et de l’Ouest.

Haitiens,

Les jours de discorde et de division ont fait place à celui de la réconciliation et de la concorde, et ce jour est le plus agréable de ma vie. Enfants de la même famille, vous vous êtes tous ralliés à l’ombre de l’arbre sacré de la liberté. La Constitution de l’État est reconnue dans tout Haiti, depuis le nord jusqu’au midi, depuis l’est jusqu’à l’ouest. La République compte sur ses Citoyens comme sur des hommes dévoués à son service et à son indépendance.

Je ne vous rappellerai pas l’histoire de vos malheurs. Il ne faut s’en souvenir que pour en éviter de semblables à l’avenir. Quand nous prenions les armes pour détruire l’esclavage auquel nous étions soumis depuis des siècles; quand nous versions notre sang, et que nous faisions les plus grands sacrifices pour notre patrie, nous n’imaginions pas que nous deviendrions les victimes de ces hommes ambitieux, qui, dans les révolutions, perdent de vue le bien public pour penser à leur propre agrandissement.

Vous connaissez des hommes dont la fatale renommée n’a attiré que des maux sur la Nation, et n’a laissé pour héritage à leurs familles que l’exécration de leur mémoire. Vous voyez maintenant le tableau du Gouvernement inique de Christophe, qui n’agissait que par caprice.

La Constitution de la République, oeuvre des Représentants de tous les Départements, a établi des sauvegardes contre le despotisme. Si pendant 14 ans, elle a rendu heureux ceux qui lui sont restés fidèles, elle fera sûrement le bonheur de ceux que Christophe a égarés. Mais, pour y parvenir, il faut, Haïtiens, que nous nous dépouillions de toute prétention particulière, et que, dédaignant tous les avantages qui résultent de l’intrigue et de la faveur, nous apportions tous notre tribut en commun.

N’oublions pas ces braves Patriotes qui n’ont jamais cessé de combattre contre le despotisme; ceux qui, dans les derniers évènements, ont aidé le Peuple à recouvrer la liberté, sont aussi dignes de la reconnaissance de la Nation. Je regrette qu’il y ait eu du sang versé le 18 de ce mois: mon Ordre du 17, renvoyé par exprès au Cap, n’est pas arrivé à temps pour épargner le Fils de Christophe et quelques Officiers qui s’étaient fait remarquer dans l’exécution de leurs ordres barbares.

Haïtiens, je demande solennellement que les évènements passés soient oubliés. Ouvrez vos cœurs à la confiance, et hâtez-vous d’agir d’un commun accord avec le Gouvernement pour consolider l’indépendance de la Nation.

Le Président d’Haiti, à qui est confiée la tranquillité publique ainsi que les propriétés, n’épargnera rien pour faire son devoir. Puissent les Citoyens suivre son Puissent les Citoyens suivre son exemple; et les plaies de la guerre civile seront bientôt cicatrisées.

Haïtiens, rendons grâce à l’Etre Suprême, qui a permis notre réunion; prions-le de nous inspirer des idées de paix et de sagesse, afin de laisser à nos enfants une existence assurée, une Patrie libre et indépendante.

Vivent la République!
Vive la Constitution!
Vivent la liberté et l’égalité!

Donné au Palais National du Cap Haiti, le 26 Octobre, 1820, An XVII.

Par le président:
[Jean-Pierre] BOYER

Le Secrétaire général:
• B. Inginac

  • Linstant-Pradines, A. Recueil général des lois et acts du gouvernement d’Haïti, depuis la proclamation de son indépendance jusqu’à nos jours. Tome III: 1818-1823. Paris, Auguste Durand, 1860; p. 347-351.

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