6520.004.- Constitution de l’État d’Haïti du Nord: 1807

Classification Histoire et Société

Publiée le 17 février 1807, la constitution de l’État d’Haiti entérina la scission de la nation, trois ans après son indépendance, et quatre mois après l’assassinat odieux de son fondateur, Jean-Jacques Dessalines (17 octobre 1806).

Henry Christophe, à qui l’on avait offert la présidence, suite à la publication de la Constitution Républicaine de 1806, n’accepta point les termes de cette offre et devint même suspicieux des gens de l’Ouest. Une guerre civile s’ensuivit et Christophe dut battre en retraite, se réfugiant dans son fief et créant l’État d’Haiti avec pour territoire, les régions connues aujourd’hui sous le nom des départements du Nord, Nord’Est, Nord’Ouest, Artibonite et Plateau Central.

La constitution de l’Etat du Nord comprend 51 articles divisés en 10 titres et concentre tout le pouvoir entre les mains d’un « premier magistrat qui prend le titre et la qualité de président et généralissime des forces de terre et de mer d’Haïti » (Art. 6). Le premier magistrat nommé à vie (art. 8) avec le droit de désigner son successeur (art. 9), détient tous les pouvoirs, quoique la présence d’un Conseil d’état faisant office d’assemblée législative (Titre III).

La Constitution du 17 février 1807 resta en vigueur jusqu’au mois de mars 1811, quand l’État d’Haiti devint le Royaume d’Haiti et qu’une loi constitutionnelle établissant le nouveau mode de gouvernement et émanant du conseil d’État fut publiée.

Peu de temps après la publication de cette constitution, le sénat de l’Ouest, prenant acte de la scission, nomma le général Alexandre Pétion, un des leurs, président d’Haiti pour un terme de quatre ans (9 mars 1807).

Texte de la Constitution

Les mandataires soussignés, chargés des pouvoirs du peuple d’Haïti, légalement convoqués par son Excellence le général en chef de l’armée.

Pénétrés de la nécessité de faire jouis leur commettants des droits sacrés, imprescriptibles et inaliénables de l’hommes

Proclament en présence et sous les auspices du Tout-Puissant, les articles contenus dans le présent pacte constitutionnel.

TITRE PREMIER

De L’État des Citoyens

Article. 1er.-

Toute personne, résidente sur le territoire d’Haïti, es t libre de plein droit.

Article 2.-

L’esclavage est pour jamais aboli à Haiti.

Article 3.-

Nul n’a le droit de violer l’asile d’un citoyen, ni d’entrer de vive force chez lui, à moins d’un ordre émané d’une autorité supérieure.

Article 4.-

Les propriétés sont sous la sauvegarde du gouvernement; tout attentat contre les propriétés d’un citoyen, est un crime que la loi punit.

Article 5.-

La loi punit de mort l’assassinat.

TITRE II

Du Gouvernement

Article 6.-

Le gouvernement d’Haïti est composé :

  1. D’un premier magistrat qui prend le titre et la qualité de président et généralissime des forces de terre et de mer d’Haïti.
    Toute autre dénomination est à jamais proscrite.
  2. D’un conseil d’État.

Le gouvernement d’Haïti prend le titre et sera connu sous la dénomination d’Etat d’Haiti.

Article 7.-

La Constitution nomme le général en chef HENRI CHRISTOPHE, président et généralissime des forces de terre et de mer d’Haïti.

Article 8.-

La charge de président et de généralissime des forces de terre et de mer est à vie.

Article 9.-

Le président a le droit de se choisir un successeur; mais parmi les généraux seulement, et de la manière ci-après indiquée.

Ce choix doit être secret, et contenu dans un paquet cacheté, lequel ne sera ouvert que par le conseil d’État, solennellement assemblé à cet effet.

Le président prendra toutes les précautions nécessaires pour désigner, au conseil d’État, le lieu où sera déposé le paquet.

Article 10.-

La force armée de terre et de mer est à la disposition du président, ainsi que la direction des finances, qu’il fera régir par un surintendant général et des intendants à son choix.

Article 11.-

Le président a le pouvoir de faire des traités avec les nations étrangères, tant pour établir avec elle des relations commerciales que pour assurer l’indépendance de l’État.

Article 12.-

Il traite de la paix et déclare la guerre, pour soutenir les droits du peuple haïtien.

Article 13.-

Il a le droit d’aviser aux moyens de favoriser et d’augmenter la population du pays.

Article 14.-

Il fait la proposition des lois au conseil d’État, qui, après les avoir adoptées et rédigées, les renvoie à sa sanction, sans laquelle elle ne peuvent être exécutées.

Article 15.-

Les appointements du président sont fixés à quarante mille gourdes par an.

TITRE III

Du Conseil d’État

Article 16.-

Le conseil d’État est composé de neuf membres, à la nomination du président, dont les deux tiers au moins sont des généraux.

Article 17.-

Les fonctions du conseil d’État sont de recevoir les projets de loi présenté par le président, de les rédiger de la manière jugée convenable par le conseil.

Article 18.-

Sur la demande du président, le conseil d’État fixe la quotité de l’impôt et le mode de sa perception.

Article 19.-

Le conseil d’État aura la sanction des traités faits par le président avec les nations étrangères.

Article 20.-

Au conseil appartient le mode de recrutement de l’armée.

Article 21.-

Il lui sera précédé tous les ans par le surintendant général des finances, d’après l’ordre du président, un état des dépenses et des recettes de l’État, et un aperçu de ses ressources.

Article 22.-

Le conseil d’État s’assemble dans le lieu de résidence du président, chaque fois qu’il y est convoqué.

TITRE IV

Du Surintendant des Finances

Article 23.-

Il y a pour le gouvernement d’Haïti, un surintendant général, qui est chargé des finances de la marine et de l’intérieur.

TITRE V

Du Secrétaire d’État

Article 24.-

Il y aura un secrétaire d’État nommé par le président, qui sera chargé de la rédaction et du contre-seing de tous les actes publics du gouvernement et de la correspondance extérieure et intérieure.

TITRE VI

Des Tribunaux

Article 25.-/h5>

Il sera établi dans chaque division un tribunal qui connaîtra tant des affaires civiles que criminelles.

Article 26.-

Il sera établi un tribunal de commerce dans chaque division.

Article 27.-

Il y aura dans chaque paroisse un juge de paix, qui peut juger en première instance, jusqu’à concurrence d’une somme déterminée par la loi.
Chaque citoyen a néanmoins la faculté de faire juger ses différends à l’amiable par des arbitres.

Article 28.-

Il sera aussi établi des Conseils spéciaux pour les délits militaires; ces Conseils spéciaux seront nommés par le président et dissous après l’exécution de chaque jugement.

Article 29.-

La manière de procéder, tant en matière civile que criminelle, sera réglée par un code particulier.

TITRE VII

De la Religion

Article 30.-

La religion catholique, apostolique et romaine, est la seule reconnue par le gouvernement, l’exercice des autres est toléré, mais non publiquement.

Article 31.-

Il y aura un préfet apostolique chargé du culte divin et de tout ce qui est relatif; il communique directement avec le président, lui propose les règlements concernant l’Église et lui dénonce les irrégularités qui pourraient y avoir lieu.

Article 32.-

L’État ne pourvoit point à l’entretien d’aucun ministre de la religion; mais la loi fixera les émoluments et rétributions accordés à leur ministre.

Article 33.-

Nul n’a le droit de troubler l’exercice d’aucun culte.

TITRE VIII

De l’Éducation Publique

Article 34.-

Il sera établi dans chaque division une école centrale et des écoles particulières dans chaque arrondissement.

Il sera cependant loisible à tout citoyen de tenir des maisons d’éducation particulières.

Article 35.-

Le traitement des professeurs et instituteurs, ainsi que la police des écoles, seront réglés par une loi particulière.

TITRE IX

De la garantie des Colonies Voisines

Article 36.-

Le gouvernement d’Haiti manifeste aux puissances qui ont des colonies dans son voisinages sa résolution inébranlable de ne point troubler le régime par lequel elle sont gouvernementées.

Article 37.-

Le peuple d’Haiti ne fait point de conquêtes hors de son île, et se borne à conserver son territoire.

TITRE X

Disposition générales

Article 38.-

Aucune association ni corporation qui tiendrait à troubler l’ordre public n’est tolérée en Haiti.

Article 39.-

Tout rassemblement séditieux est dissipé par la force armée lorsqu’un ordre verbal d’une autorité compétente n’aura pas suffi.

Article 40.-

Tout Haïtien, depuis l’âge de 10 ans jusqu’à celui de 50, doit ses services à l’armée chaque fois que la sûreté de l’État le requiert.

Article 41.-

Le gouvernement garantit solennellement aux commerçants étrangers la sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés, et leur assure la protection la plus efficace.

Article 42.-

A raison des avantages dont jouissent les étrangers en Haiti, ils y sont soumis pendant leur séjour aux lois et coutumes du pays, comme le sont les sujets Haïtiens.

Article 43.-

Une loi particulière divisera le territoire de la manière la plus convenable.

Article 44.-

L’effet de la Constitution est suspendu dans tous les endroits du territoire d’Haiti où il y aurait des troubles au point d’être obligé d’y envoyer la force armée pour rétablir l’ordre.

Article 45.-

L’uniformité des poids et mesures est générale dans Haïti.

Article 46.-

Le divorce est rigoureusement défendu dans Haïti.

Article 47.-

Le mariage, étant un lien civil et religieux qui encourage les bonnes moeurs, sera honoré et essentiellement protégé.

Article 48.-

Les pères et mères n’auront pas le droit de déshériter leurs enfants.

Article 49.-

L’agriculture, comme le premier, le plus noble et le plus utile de tous les arts, sera encouragée et protégé.

Article 50.-

Les fêtes nationales pour célébrer l’Indépendance, la Constitution, l’Agriculture, celles du Président et de son épouse seront instituées et déterminées.

Article 51.-

Aucune loi ne peut avoir d’effet rétroactif.

Fait au Cap, le 17 février 1807, l’an IV de l’indépendance

Signatures:


  • Vernet:
    .- général de division
  • Paul Romain:
    .- général de division
  • Toussaint Brave:
    .- général de division
  • Martial Besse:
    .- général de brigade
  • Magny:
    .- général de brigade
  • Raphael:
    .- général de brigade
  • N. Joachim:
    .- général de brigade
  • Michel Pourcely:
    .- général de brigade
  • Jean-Baptiste Daux:
    .- général de brigade
  • Pierre-Toussaint:
    .- général de brigade
  • Jean-Louis Laroze:
    .- général de brigade
  • Campos Thabarés:
    .- adjudant général
  • Gérard:
    .- adjudant général
  • L. Achille:
    .- adjudant général
  • Guerrier:
    .- adjudant général
  • Corneille Brell:
    .- curé
  • Roumage Jeune:
    .- administrateur
  • J. Henry Latortue:
    .- trésorier
  • J. B. Petit:
    .- contrôleur
  • Jean Fleury:
    .- président du tribunal civil
  • Charles Imbert:
    .- juge
  • Justamond:
    .- médecin en chef de l’armée
  • L. Raphaël Laverdure:
    .- directeur des douanes
  • Felon:
    .- juge de paix
  • P. A Charrier:
    .- directeur  des domaines
  • Faraud:
    .- ingénieur
  • Lacroix:
    .- ingénieur
  • Almanzor:
    .- juge
  • J. Latorture:
    .- juge
  • Antoine Reyes:
    .- vicaire
  • Janvier, Louis Joseph, 1855-1911. Les constitutions d’Haïti (1801-1885). Tome 1. [Port-au-Prince] : Éditions Fardin, 1977; 82 – 89.

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Date de création: 10 février 2008
Date de révision : 28 mai 2020