Homélie de Mgr Ligondé, Archevêque de Port-au-Prince, Lors de la Fête de Saint Louis de Bourdon., le 25 août 2006
📅 Texte publié le Samedi 26 août 2006
Chers frères dans le sacerdoce
Frères et sœurs bien-aimés,
L’Église, en nous proposant Saint Louis comme modèle, exemple de vie chrétienne dans le monde, nous fait honorer un saint qui fut chef d’État. Saint Louis c’est le roi Louis, le 9e de ce nom qui a gouverné la France dès l’âge de 20 ans jusqu’à sa mort en 1270 au moment où il mena la guerre à la 8e croisade, 8e guerre pour délivrer Jérusalem contre les non chrétiens de son temps.
La politique, dit-on, n’est pas un métier d’enfant de chœur ni un métier de saint et pourtant Louis IX roi de France est un saint canonisé. Roi de France à l’âge de 12 ans, il reçut la première éducation à la royauté de sa mère Blanche de Castille qui gouverna durant 8 ans à sa place et permit que l’esprit de l’évangile pénètre dans le cœur du futur chef d’État qui a compris que son fils allait endosser une grande responsabilité, lui a donné une bonne formation chrétienne afin de pouvoir aimer Jésus-Christ et tous ceux qui sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et spécialement ceux qui sont les plus pauvres.
La mission de Saint Louis était de présenter au peuple chrétien le type du laïc qui travaille en chrétien en accomplissant les tâches temporelles. On peut s’adonner à la politique et mener une vie pleinement chrétienne. Oui, on peut faire la politique et mener une vie pleinement chrétienne. Oui, on peut faire la politique en n’oubliant jamais qu’on est chrétien et qu’on a pour boussole l’évangile. Blanche de Castille a fait du futur roi de France un homme craignant Dieu, un homme juste, un homme de prière. Je préfère te voir mourir que de savoir que tu as commis un péché mortel, lui disait sa mère.
Dès le jeune âge, Louis avait la conviction de vivre proche de Dieu.
Pratiquer la vertu est une réalité importante de sa vie. Aussi le roi sera-t-il un homme juste qui mènera une vie exemplaire et aura une prédilection pour les pauvres, les déshérités. Louis, homme politique, roi de France, fonde une famille, éduque ses enfants. A son fils Philippe qui lui succèdera, il donne des conseils sages et judicieux pour gouverner le royaume. Il fut un bon père de famille, un époux exemplaire, plein de tendresse pour sa femme Marguerite de Provence qui lui donna onze enfants. La politique ne va pas l’empêcher de mener une vie familiale heureuse. Quant à son métier de roi, il le remplit avec un sens de la justice et du droit. De ses subordonnés, il respecta les droits scrupuleusement. Il fut un chef de guerre sachant manier l’épée et il dirigea une armée alors qu’il fût un homme pacifique. Il disait, bienheureux les apaiseurs, c’est-à-dire les hommes de paix. A l’appel du pape, il partit en deux fois en Orient pour délivrer les lieux saints où Jésus a vécu des mains des non chrétiens. Il mourut à la deuxième expédition, la 8e croisade, de la maladie de la peste. C’était au XIIIe siècle en 1270, il y a de cela 736 ans.
Chrétien, laïc exemplaire, père de famille exemplaire, chef d’État exemplaire pour son temps, c’était tout cela qui a porté l’Église a présenté Louis IX, roi de France comme un saint, un modèle de laïc adonné aux affaires temporelles et pourtant pratiquant les vertus chrétiennes, sociales, la justice, la prudence, la charité, soins aux plus pauvres, respect du droit des minorités, un modèle de père de famille soucieux du bien de sa femme et de ses enfants. Un chef d’État exécutant un programme de gouvernement respectueux de la justice, du droit, du bien commun… Saint Louis, roi de France nous convainc que la pratique de la vertu, le respect du bien commun est possible pour un homme politique chrétien.
Le chrétien peut-il se mêler de politique après l’exemple de Saint Louis? Assurément, parce que la politique bien comprise c’est le gouvernement de la cité, de la « polis », la ville selon les règles de la raison et de la conscience chrétiennes. La politique recherche la sauvegarde du bien commun. C’est le bien de tout un chacun qu’un politique doit rechercher. Il n’est pas question de ramasser tout ce qu’il y a de biens, de richesses dans le pays pour aller vivre avec à l’étranger. Le monde créé par Dieu n’est pas autonome de façon absolue.
Le créateur a instruit dans le cœur de l’homme un ordre moral, une façon de vivre qui respecte le bien commun. Tout un chacun a une conscience au-dedans de lui-même qui lui dicte ceci est bien ou mal. Le souci de respecter l’ordre moral, de respecter sa conscience s’impose à tout pouvoir et, donc à tout homme politique. Les activités concrètes des laïcs au plan politique devraient être partie intégrante de leur vie chrétienne. Or, on ne peut pas mener deux vies: une vie comme politicien et une vie comme chrétien ou quand on vient à l’église on est chrétien et au dehors on patauge dans toutes les magouilles, dans les vols et dans toutes les compromissions. Vous n’avez qu’une seule vie et une seule conscience et si vous êtes baptisé, une conscience chrétienne. La vie publique, sociale, culturelle ne doit pas faire oublier au laïc chrétien les principes de l’évangile.
Malheureusement, l’Église. oui l’Église dans notre milieu n’a pas compris que l’évangélisation de la politique est une tâche qui nous incombe à nous Évêques, prêtres, laïcs chrétiens. Oui, nous devons évangéliser la politique, faire que l’évangile pénètre la vie politique. Pour réaliser cet aspect de l’évangélisation, il faut que les agents de cette évangélisation, c’est-à-dire nous autres Évêques, prêtres, laïcs universitaires chrétiens nous donnions nous-même l’exemple du respect du bien commun, le respect de la justice, le respect de la dignité de l’homme. Si nous autres nous ne donnions pas l’exemple, comment voulez-vous que les gens suivent. Ils vont se scandaliser et nous scandaliser. Prendre position pour les défavorisés contre l’injustice, prendre position contre le mensonge contribuent à la transformation de la société. Faut-il encore former des laïcs chrétiens, jeunes adultes qui seront des hommes politiques de demain, appelés à gouverner la cité? Il y a là une tâche vraiment noble, dévolue spécialement aux Évêques, aux prêtres, aux universitaires laïcs chrétiens.
Il y a un lien entre l’amour de Dieu et l’amour du chrétien. L’amour de Dieu se trouve incarner dans les formes concrètes de l’engagement politique des chrétiens. Un nouveau terrain s’ouvre ainsi pour la sainteté du chrétien. Un terrain pour la sainteté en politique et alors nous rejoignons la sainteté de saint Louis, homme politique, chef d’État chrétien. Il y a donc une forme politique de l’amour du chrétien pour Dieu et pour son prochain qui exige naturellement la conversion, la mortification, le refus de compromissions avec la corruption sous toutes ses formes les plus subtiles et par le fait même entrainent des souffrances. Cette sainteté en politique compte aujourd’hui des martyrs, des témoins du royaume de Dieu. Il y en a eu en Haïti de ces martyrs de l’honneur, de l’honnêteté. Parce qu’ils ne voulaient pas voler, on les a tués.
Que l’exemple de Saint Louis inspire les laïcs chrétiens qui s’engagent dans la politique pour qu’ils soient convaincus que la politique bien comprise dans la pratique de l’évangile, pour le bien de la cité, peut engendrer des saints comme saint Louis, roi de France.
Avant tout, frères et sœurs bien-aimés, l’éducation des jeunes doit susciter plus encore que des gens cultivés, des femmes et des hommes qui aient une forte personnalité pour pouvoir résister dans ce milieu. Il y a tellement de magouilleurs, de voleurs. Notre pays a un grand besoin dans le secteur urbain et dans le milieu rural d’hommes et femmes bien formés ayant une forte
personnalité. Car tous les chrétiens doivent prendre conscience du rôle particulier qui leur échoit dans la communauté politique. Ils sont tenus à donner l’exemple en développant en eux le sens des responsabilités, du dévouement au bien commun et ainsi l’ordre social et son progrès tourneront au bien des personnes.
Il n’y a pas de société qui peut marcher normalement si le mensonge et le bluff sont à sa base. Édifier dans la justice, vivifier par l’amour, cet ordre social doit trouver dans la liberté une assise toujours plus humaine. Frères et sœurs bien-aimés, l’esprit de Dieu est présent à cet ordre social. L’esprit de Dieu est présent dans notre conscience de chrétien.
Travaillons donc frères et sœurs bien-aimés tous ensemble à la réforme des mentalités et entreprenons dans notre sphère d’action de vastes réformes, des réformes sociales pour le bien du petit peuple.
Amen.