12 janvier 2010: Quinze ans après

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© Photo d’Allison Shelley/ Distribuée par Getty Images
Prise le 12 janvier 2011
Mardi 12 janvier 2010

Un jour que nous aimerions bien oublier, enfouir dans la fosse commune de notre inconscient, comme on avait déposé cette année-là dans la fosse commune de Titanyen, sans décorum funèbre, des milliers de corps déchiquetés, mélangés aux matériaux qui composaient l’ossature des maisons et édifices effondrés par le séisme.

Mardi 12 janvier 2010. Heure: 16:53

Peu de temps après cette heure de chambardement et dans les journées suivantes à Port-au-Prince, dans des zones avoisinantes et dans les villes sous lesquelles passaient les ondes sismiques à ce moment précis, nous avions découvert l’ampleur des dégâts. Mais au-delà de l’effondrement des édifices emblématiques (palais national, palais de justice, parlement, les cathédrales de l’Église catholique et de l’Église épiscopale, pour ne citer que ceux-là), de l’horreur des vies terrassées, et des images de corps coincés sous les décombres, nous avions également vu des rêves détruits, des projets de vie évanouis.

Le palais avant et après le tremblement de terre
(Cpl. Matthew McGregor, avant, Jorge Cruz, après)

Tout un pays se retrouva en moins d’une minute dans un état de confusion et d’égarement total. Depuis, certains bornés, brandissant éhontément la Bible et un fait de notre d’histoire, ont essayé d’y déceler une punition de Dieu pour une soi-disant faute historique que ni les victimes, ni les survivants qui porteront à jamais dans leur chair, les cicatrices de la destruction de ce séisme, et dans leur esprit, les séquelles de l’horrible expérience, ne sont responsables. Quel Dieu aurait ciblé de façon si atroce des innocents pour punir un pays? Pas le Dieu de miséricorde en qui nous croyons et que nous adorons! Pas le Dieu de Jésus-Christ et de la Nouvelle Alliance!

Maitre Hubert Sanon, sdb
Dimanche 12 janvier 2025: Quinze ans après

Certains peuvent faire semblant d’oublier cette fatidique fin d’après-midi de la deuxième semaine de l’année 2010 ou dire que la vie continue et qu‘il faut reprendre le train du quotidien. Mais l’angoisse provoquée par le souvenir de leurs chers disparus (et tous, nous avons eu un cher disparu) contredit cette velléité de retour à la routine dans l’oubli presque total de ce moment de destruction.

Comment pouvons-nous oublier cette journée quand des êtres chers partis inopinément et terriblement continuent à nous manquer, quand le souvenir de professeurs, directeurs spirituels et mentors emportés atrocement nous plonge dans un état de mélancolie.

Non! Nous ne pouvons oublier, à moins que la tragédie de cette fin d’après-midi du 12 janvier 2010 affecte terriblement et de façon irréversible notre psyché. Nous ne pouvons oublier, et si, encore en possession de toutes nos facultés mentales, nous essayons, la nouvelle configuration de Port-au-Prince, la capitale, se tachera de nous le rappeler. Port-au-Prince avec ses rues défoncées et jonchées de détritus. Port-au-Prince, une capitale aujourd’hui déchiquetée sous le joug des gangs sans merci, et pratiquement isolée de l’étranger, une image inconcevable avant ce mardi 12 janvier 2010.

Ce que nous avons vu ce jour-là en tant que témoins sur le terrain, et témoins distants mais proches par la magie des moyens de communication, nous ne l’oublions pas même après quinze ans. Nous devons encore aux disparus ce constant hommage collectivement comme pays, comme communauté et comme famille, mais aussi à titre individuel. C’est un devoir de mémoire.

La meilleure façon d’entreprendre ce devoir de mémoire est de travailler au relèvement de Port-au-Prince en particulier, et du pays en général. Souhaitons que dans cinq ans, nous puissions dire avec fierté, nous n’avons pas oublié la journée du 12 janvier 2010, et nos œuvres de relèvement en sont les témoignages vivants et palpables.

J.A.