Dimanche de la « Caritas Christi urget nos »: Réflexions du Père Maurice Elder Hyppolite
📅 Texte publié le dimanche 20 juin 2021
Texte reçu le 18 juin 2021
Sous les tropiques, on connait bien le phénomène de l’œil du cyclone, cette paix et tranquillité de toute la nature après les premières rafales dévastatrices de l’ouragan où nous sommes tentés de sortir voir les dégâts, alors les parents nous obligeaient à rester à l’abri parce que « la queue » du cyclone n’était pas encore passée et pouvait être encore plus meurtrière. Évidemment, ces phénomènes naturels sont variables et les récits de l’oiseau voyageant dans l’œil du cyclone ne sont que des légendes. L’expression « être dans l’œil du cyclone » est souvent employée à contresens pour dire « être dans la tourmente » ou « être au cœur de la tempête » quand toutes sortes de dangers nous menacent, nous attaquent et que l’angoisse nous étreint…
Quoi qu’il en soit, l’évangile de la tempête apaisée et le passage de la deuxième lettre aux Corinthiens d’aujourd’hui nous suggèrent une autre étreinte bien plus bouleversante et définitivement transformante, celle qui a saisi Paul sur la route de Damas faisant de lui une créature nouvelle:
« L’amour du Christ nous saisit » (2 Co 5,14)!
Sa mort et sa résurrection pour nous les hommes et pour notre salut nous décentre de nous-mêmes… « afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui… » (2 Co 5,15)
C’est le décentrement ex-statique, l’extase de l’amour vrai, qui nous fait vivre dans l’autre, de l’autre et pour l’autre…
A partir de là, tout est possible, toute peur bannie, toute angoisse desserrée et le Souffle de Vie s’engouffre en plénitude dans notre être… Nouvelle création!
« Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle, le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né! » (2 Co 5, 17).
L’expérience des disciples dans la barque, invités par Jésus à passer sur l’autre rive du lac, ne les conduit pas encore à cette profondeur transformante, ils n’avaient pas encore la foi théologale qui nous vient de la rencontre du Ressuscité, mais Jésus les préparait à cette certitude totale… En voyant la mer se calmer sur l’ordre du Seigneur ils étaient « saisis de crainte », pas encore « saisis d’amour ».
Cette « crainte de Dieu », commencement de la sagesse, aura à traverser le Vendredi Saint et déboucher sur la splendeur du Dimanche de Pâques pour que désormais le feu de l’amour les emporte et qu’ils n’aient plus pleur de la mort.
Le détail de Jésus dormant sur le coussin à la poupe de la barque, place du gouvernail, est propre à Saint Marc (témoignage de Saint Pierre?). Il nous rappelle qui est le seul Maître du navire et des flots. Seul Maître du navire de la barque de notre vie que nous lui confions. Seul Maître des événements qui nous ballottent mais ne l’inquiètent pas outre mesure… Il n’a qu’à dire un mot et tout se calme. C’est lui Jésus, Verbe incarné, Parole créatrice, le grand calme au cœur de toutes nos tempêtes: « Silence! Tais-toi! »… et il se fit un grand calme…
Quand les flots déchaînés de nos passions et de nos instincts et de nos souffrances et de nos peurs et des persécutions, semblent nous submerger, qu’il nous soit accordé de réveiller en nous la foi de l’homme nouveau, la créature nouvelle qui a surgi des eaux de notre baptême et qui ne considère plus rien ni personne « d’une manière simplement humaine » (2 Co 5, 16), « selon la chair »… Notre regard sur le Christ devenu le regard de la foi garde nos cœurs fixés là où se trouvent les vraies joies et nous pouvons effectivement traverser la mer en furie de ce monde (livré au mauvais) en gardant notre âme dans la paix près du Christ dormant au fond de la barque de nos coeurs…
Oui, la « caritas Christi urget nos » devient notre boussole et notre œil du cyclone…
Ne soyons plus centrés sur nous-mêmes…
Que son amour nous saisisse définitivement, jour après jour, jusqu’au jour de Dieu…
Père Maurice Elder Hyppolite
Salésien de Don Bosco