12 janvier 2010 – 12 janvier 2020: 10 Ans

Où étais-je ce mardi 12 janvier 2010?

J’étais à une courte distance de mon domicile, revenant du boulot, quand ce grand malheur frappa Haiti, ce mardi 12 janvier 2010. Quand j’ouvris la porte, les membres de ma famille m’accueillirent avec la nouvelle du désastre. La chaîne de télévision CNN venait juste d’annoncer, par un flash spécial, qu’un séisme de grande magnitude avait frappé Haïti et les présentateurs promettaient de plus amples détails.

Dans les heures qui suivent, et avec les yeux collés sur le petit écran, j’ai compris alors l’ampleur des dégâts.

Haïti, mon pays, qui pendant près d’un demi siècle, naviguait dans une mer agitée par les passions des uns, les bassesses et la lâcheté des autres, et commandé par des capitaines qui tenaient beaucoup plus à leurs titres, à leur privilèges et aux marchandises qui se trouvaient dans sa cale qu’au bien-être des passagers qui se trouvaient dans les zones dangereuses du pont, avait alors sa coque partiellement détruite.

Où suis-je, en ce dimanche 12 janvier 2020?

J’habite encore la même ville avec mes yeux constamment tournés vers Haiti.

Je respire et mène une vie qui ne mérite pas de grandes plaintes. Pour ce, je rends grâce à Dieu! Mais la pensée de ces milliers de compatriotes ensevelis m’habite encore. Je rencontre souvent des survivants marqués psychologiquement pour la vie par cette terrible expérience.

Un ami avec qui je partageais, le samedi 11 janvier, les idées qui apparaissent dans ce texte me faisait comprendre que le navire, malgré les dommages subis, n’a pas sombré. Que dire alors de ces compatriotes ensevelis. Ils étaient des milliers. Ils étaient de toutes les couches sociales, de tous les quartiers de Port-au-Prince, de Léogâne, de Petit-Goâve et de Jacmel. Ils étaient de toutes les confessions religieuses. Plusieurs avaient un avenir brillant; d’autres aidaient les jeunes à préparer leur avenir. On y comptait même des guides spirituels. L’histoire retiendra probablement certains noms, mais la majorité restera toujours, sauf dans le coeur de leurs bien-aimés, des anonymes. D’une certaine façon, Les ENTRAILLES d’Haiti ont été déchirées et son ÂME sombrée ce jour-là avec la disparition de tant de fils et de filles, et la destruction de tant de batiments emblématiques.

Revenir à la normale

J’écoute parfois avec de grands questionnements, ceux qui se plaignent de la lenteur de la reconstruction et qui font tout pour oublier le bilan des vies terrassées. Ils ont hâte de revenir à la normale. « Revenir à la normale» pour eux c’est de reconstruire les batiments emblématiques dont le palais national et la Cathédrale de Port-au-Prince. Ils refusent pourtant d’adresser les causes qui nous a rendus et nous rendent encore vulnérables devant le moindre caprice de la nature;  un peu comme ce capitaine qui se décharge de toute responsabilité dans la chute et la noyade de ses passagers et se préoccupent uniquement de la réparation du navire sans adresser les failles qui l’avaient rendu si fragile et vulnérable face aux grandes vagues.

Tout se résume à une question de priorités.

Le séisme du 12 janvier 2010 avait été désastreux parce que nous n’avions pas axé nos priorités sur la recherche du bien commun. Dix ans après, nos priorités reflètent le même individualisme saisonné cette fois dans une abjecte corruption.

Photo d’Archive de AP Photo/Dieu Nalio Chery

En ce jour où nous marquons l’anniversaire du tremblement de terre du début de l’année 2010, que nous prenions la peine de nous s’arrêter un moment pour nous rappeler de l’endroit précis où nous nous trouvions en ce fatidique moment. Que nous prenions  le temps d’apprécier la journée du 12 janvier 2020. Que nous essayions de revoir nos priorités surtout si nous sommes appelés à prendre des décisions affectant plusieurs personnes, le bien-être de nos compatriotes, l’éducation des jeunes et la protection des plus vulnérables. Ce sera une unique façon de rendre hommage à tous ceux (compatriotes, étudiants étrangers visitant alors le pays) ensevelis ce jour-là.

Entretemps, que le Seigneur nous protège!

Que les victimes du 12 janvier 2010 jouissent de Sa Présence!

J.A.