Note de la Conférence Haitienne des Religieux/ses

Port-au-Prince, le lundi 30 septembre 2019

Frères et Sœurs Haïtiens,
Citoyens et Citoyennes du pays,

« Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain ; si le Seigneur ne veille la ville, en vain gardent les veilleurs. » (Psaume 127, 1)

Nous, consacrés-es catholiques d’Haïti regroupé-e-s en Conférence Haïtienne des Religieux-ses (CHR), constatons avec beaucoup de souffrances le délabrement profond de la situation sociopolitique du pays depuis à peu près une dizaine d’années et la descente vertigineuse aux enfers pendant ces huit derniers mois.

La colère qui gronde à travers le pays, pour exprimer une frustration plutôt légitime de cette population ne saurait nous laisser insensibles ni indifférents. Au contraire, nous exprimons notre grande proximité, notre sympathie et notre solidarité avec notre peuple meurtri qui n’en peut plus.

Aujourd’hui, nous faisons nôtre cette parole prophétique de Don Hélder Pessoa Câmara, archevêque d’Olinda et Recife au Brésil de 1964 à 1985… :

« Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’Hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue »(1).

Aucun peuple, pour répéter nos pasteurs les Évêques Catholiques d’Haïti, ne doit accepter la misère, la pauvreté, l’injustice et la violence institutionnelle de manière défaitiste. » Se révolter, poursuivent-ils, face à l’irresponsabilité, l’indifférence, l’incompétence, l’improvisation et la gabegie administrative de nos dirigeants qui sert le profit d’un petit groupe presqu’exclusivement, est devenu plus que légitime.

«Lè gen eleksyon vwa pèp la se vwa Bondye – depi nou sou pouvwa vwa pèp la se vwa chimè, epi se gaz ak bal li merite»(2), Pourquoi tant de violences inutiles contre un peuple qui aspire à vivre dignement? Pouvwa ap fini, pèp la ap toujou la!(3) Qui est responsable de la machine infernale de violences sinon ceux qui s’accrochent à tout prix au pouvoir !

Nous nous unissons donc à tous les secteurs clés de la nation, à ceux et celles qui refusent la corruption, la contrebande, les gains faciles, pour exiger à nos dirigeants de tirer les conséquences de leur inconséquence et la formation immédiate d’un gouvernement de sauvetage national. Nous Consacré-e-s d’Haïti, disons NON à la politisation et à l’utilisation de la PNH par l’exécutif comme appareil de répression et machine de mort. Efforçons-nous à rebâtir notre nation sur les valeurs absolues de liberté, d’égalité, de fraternité et d’intégrité. Attelons-nous à cette noble et difficile tâche qui passe irrémédiablement non pas par le dialogue opportuniste et coquin mais par l’idée de conférence nationale, sollicitant la participation de toutes les forces vives de la nation. Arrêtons de nous entretuer, arrêtons d’asphyxier le pays, arrêtons de boire le sang des plus pauvres (Twòp san, nou bouke)! Choisissons la Vie pour notre peuple et pour notre pays!

Notre-Dame du Perpétuel Secours, veillez sur Haïti, veillez sur ses enfants toujours, toujours !

Pour le bureau :

P. Eric Jasmin, CSC Président
Sr. Lourdes Toussaint, SJS Vice-Présidente
P. Jean Denis Saint Felix, SJ Conseiller
Fr. Joseph N. Goie, CFX Conseiller
Sr. Rose Marie César, Fdm Conseillère
P. Gilbert Peltrop, C.Ss.R Secrétaire Général

 

  1. Don Helder Camara (1909 – 1999). Spirale de la violence. Desclée de Brouwer, Paris, 1970.
  2. En période d’élections, la voix du peuple se transforme en écho de la voix de Dieu, mais une fois au pouvoir, on l’écoute comme un vacarme dérangeant venant des « chimères« , alors on essaie de le faire disparaitre avec des gaz et des balles.
  3. Le peuple survit toujours au pouvoir (temporel)