Nous sommes déconcertés
📅 Texte publié le dimanche 29 septembre 2019
Tous, nous reconnaissons que Jovenel Moïse ne passera pas à l’histoire comme l’un de nos meilleurs présidents. Ce constat part du fait que l’élu du 20 novembre 2016 n’a pas, avec ses trois derniers gouvernements, travaillé, comme tous nous l’aurions supposé, au soulagement de la misère en Haïti, à la défense des compatriotes de l’extérieur, surtout ceux vivant aux Bahamas et confrontés à toutes sortes de difficultés après le passage du cyclone Dorian, et à l’avancement de la cause d’Haïti dans les tribunes internationales. Une possible démission de sa part, sous les pressions de la rue ou sur une demande expresse de ses protecteurs locaux et internationaux, ne susciterait aucun regret chez nous.
Les pressions de rue exercées sous formes de manifestations populaires, de protestations devant des édifices publics et des appels à la grève depuis près de 15 mois semblaient porter des fruits et commençaient à susciter chez nous une certaine sympathie. Mais, après la manifestation de ce vendredi 27 septembre et des actes répugnants ciblant des institutions scolaires les jours précédents, nous sommes plutôt consternés et réticents à l’idée d’appuyer et de confier les destinées du pays à une opposition qui n’arrivent pas à contrôler ses partisans.
Nos questions sont tout à fait pertinentes. Que pouvons-nous attendre d’un gouvernement issu ou supporté par un groupe dont les partisans pillent des magasins, incendient des immeubles et des biens personnels, attaquent des centres d’enseignement, tous des actifs pour le pays et pour le peuple?
Certes, certains contesteront notre questionnement en rejetant la violence sur la police ou avanceront l’idée d’infiltration par des bandits ou des délinquants à la solde du gouvernement. Ils diront que ces gens veulent discréditer le mouvement de protestation aux yeux des Haitiens comme nous qui rêvons de l’établissement d’un État de droit, des donateurs internationaux, des sociétés de prêt et des institutions internationales, telles l’ONU et l’OEA. Ils ajouteront bien entendu que ces organisations, actives sur le terrain depuis environ 15 ans, et qui ne sont pas prêtes à lâcher quelqu’un sur qui elles peuvent compter pour faire avancer leurs projets inavoués, sont responsables de bien de malheurs et de deuil, avec la ré-introduction du choléra, le viol sur des mineurs et d’innocentes jeunes femmes, sans pour autant nous aider à réduire l’insécurité et relever des défis majeurs dans d’autres domaines.
Ce sont donc des arguments entre autres valides.
Nous sommes bien conscients que les inégalités, les clivages sociaux et les décisions gouvernementales arbitraires qui réduisent considérablement le pouvoir d’achat du peuple peuvent se traduire, lors des manifestations, par des dérapages capables de transformer un mouvement légitime en un événement violent faute d’un encadrement sécuritaire éprouvé. Il revient pourtant aux organisateurs de ces mouvements de tenir compte de cette perspective rationnelle de violence dans leur stratégie et la préparation des manifestations. Ils auraient dû surtout se servir des leçons de l’histoire.
Pendant ces 33 dernières années, les manifestations politiques ont toutes présenté des possibilités de dérapages, et l’absence ou les limites de ces derniers sont souvent dues aux tactiques et aux actions préventives des organisateurs.
L’opposition, à ce point de la conjoncture doit pouvoir faire son autocritique, revoir sa stratégie, se montrer à la hauteur de nos attentes politiques, bref nous convaincre, si elle veut que nous la prenions au sérieux. En attendant, elle a essuyé cette semaine un grand revers dans ses démarches en laissant des énergumènes ronger sa cause. Nous en avons pris note et nous sommes très déconcertés!
J.A.