Texte de l’Intervention du Président Jovenel Moise à la 73ème Session Ordinaire de l’Assemblée Générale de l’ONU
📅 Texte publié le vendredi 28 septembre 2018
Madame la Presidente,
Monsieur le Secretaire general,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Madame la Présidente,
Au fil des années, l’Assemblée générale des Nations Unies se voit confrontée à une double interrogation sous-jacente aux principaux thèmes de l’ordre du jour :
- Comment optimiser les mécanismes du maintien de la paix et de la sécurité internationales ?
- Et comment traduire l’exigence de solidarité internationale en un système de coopération beaucoup plus efficace, capable de promouvoir le développement durable et d’éradiquer la pauvreté dans le monde ?
Les Nations Unies ont fort justement mis en lumière les liens étroits entre l’éradication de la pauvreté, la promotion du développement durable, la paix et la sécurité. De la même façon, la lutte contre la pauvreté et la promotion des droits de l’homme sont inextricablement liées. L’extrême pauvreté est une négation de la dignité humaine. Elle doit, par conséquent, figurer au cœur de l’action des Nations Unies ainsi, des centaines de millions d’hommes et de femmes auront l’espoir de voir un jour éradication de la pauvreté.
Dans le même ordre d’idées, l’intensification de la lutte contre le réchauffement climatique, qui constitue l’une des menaces les plus pressantes pour l’humanité, se doit de figurer parmi les grandes urgences de la communauté internationale. L’Accord de Paris sur le climat de 2016 a été, à cet égard, un jalon important. Et, il convient que tout soit mis en œuvre pour que les obligations internationales et les engagements qui en découlent soient respectés. On le sait bien, les régimes d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques, ainsi que les mesures de précaution tendant à atténuer les dégâts, sont extrêmement coûteux. La mitigation des risques naturels, une des composantes d’une stratégie de développement durable, en tant qu’investissement fait aujourd’hui en prévision de phénomènes qui auront lieu demain,s’avère indispensable. Or,à ce jour,les moyens financiers sont nettement insuffisants pour permettre une réponse appropriée, en phase avec l’ampleur des défis posés.
La mobilisation de nouvelles ressources pour le redressement climatique, revêt donc un caractère de priorité absolue. Force est de constater que les pays les plus vulnérables, notamment les petits pays insulaires, surtout de la Caraïbe, dont la République d’Haïti, émettent peu de gaz à effets de serre, alors qu’ils subissent la majeure partie des dégâts causés par des ouragans devenus plus fréquents et plus violents.
Les promesses faites au cours du sommet « One Plane »t de l’année dernière à Paris pour permettre à ces pays d’adapter leur environnement et de mitiger les effets des affres du changement climatique devront se matérialiser.
Madame la Présidente,
Qu’il me soit permis de jeter un éclairage sur la situation en Haïti un an après la clôture de la Mission de stabilisation des Nations Unies (MINUSTAH), à laquelle a succédé la Mission d’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH). Depuis mon accession à la présidence de la République d’Haïti, je n’ai eu de cesse d’œuvrer à la consolidation de l’Etat de droit, l’approfondissement des conquêtes démocratiques et la promotion des droits de l’homme, pleinement convaincu de l’absolue nécessité de moderniser la structure économique, sociale et politique pour sortir le pays du piège du sous-développement. Je ne ménage aucun effort pour assurer la stabilité des institutions et créer un environnement sûr et stable, propice à l’investissement et au redémarrage de la croissance. Dans un contexte de raréfaction des moyens et de la forte pression des besoins, la Caravane du changement est, à cet égard, une stratégie novatrice visant à mettre toutes les ressources de l’Etat au service du peuple.
Nombreux sont les résultats tangibles obtenus au cours des dix-huit derniers mois dans la modernisation sociale, politique et économique engagée par le Gouvernement. Qu’il me suffise, à cet égard, de citer le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur Haïti, qui met en lumière les « progrès importants » enregistrés au plan de la stabilité politique et institutionnelle, de la protection des droits de l’homme, du renforcement du système judiciaire et de l’amélioration de l’environnement de sécurité.
Cependant en dépit de ces avancées, force est donc de reconnaître que l’atonie de la croissance économique continue de peser lourdement sur la stratégie nationale de développement et de pérennisation de la paix. Le pays est en effet confronté à des défis inter-reliés et de grande ampleur. A cela s’ajoutent la pression démographique, l’urbanisation galopante, la dégradation de l’environnement, l’extrême vulnérabilité aux catastrophes naturelles – le tremblement de terre de 2010, on se le rappelle, a causé des dommages estimés à 120 % du PIB. A cela l’on doit ajouter les effets du cyclone Matthieu, qui a causé des dégâts équivalents à 32% du PIB. Cette vulnérabilité structurelle et environnementale n’est pas sans conséquences.
En juillet dernier, suite à l’application de la loi sur l’ajustement des prix de l’essence conclut avec le Fonds monétaire international , le pays a vécu la fâcheuse et douloureuse expérience d’un soulèvement populaire en réaction aux exigences du Staff Monitored Programme conclut avec le Fonds monétaire international. En effet, Haïti, qui ne produit pas de pétrole est confronté à la douloureuse exigence de continuer à financer les subventions gouvernementales du prix des produits pétroliers.
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Cette expression violente de mécontentement d’une partie de la population ne peut être sous-estimée. Elle a posé avec une acuité particulière la question centrale des risques associés à l’extrême précarité socio-économique et au manque de perspectives économiques. De plus, elle a mis en relief la fragilité des acquis obtenus. Aussi réels et incontestables soient-ils, ces acquis obtenus de haute lutte peuvent être mis en péril en l’absence d’un soutien adéquat sur la longue durée.
L’un des enseignements que nous avons tirés de cette crise est que les réformes structurelles sont des processus de longue haleine, qui, tout en étant indispensables, ne peuvent pas être entreprises dans de courts laps de temps et les conditions souvent trop rigides imposées par les partenaires techniques et financiers, sans tenir compte de la réalité socio-économique de chaque pays. Sans vouloir en rejeter le blâme sur quiconque, il y a lieu de noter que le récent soubresaut enregistré a été, en grande partie, la résultante d’une vision trop étriquée de l’aide au développement, qui ne permet pas toujours à nos partenaires internationaux de reconnaître la nécessité d’une approche moins fragmentée, moins rigide plus intégrée, bref, plus cohérente des problèmes interdépendants de développement et de sécurité, et beaucoup plus en adéquation avec les cinq (5) Principes de Paris sur l’Administration et l’Efficacité de l’aide publique au développement et le Programme d’Action d’Accra.
Autrement dit, le succès de la stratégie de pérennisation de la paix et des acquis, à laquelle nous sommes particulièrement attachés et sensibles, est tributaire, pour une large part, de la capacité du pays à obtenir les moyens additionnels susceptibles de lui permettre de surmonter ses handicaps structurels, de relancer notamment l’investissement public dans les infrastructures essentielles et de surmonter les obstacles auxquels se heurte la croissance et qui maintiennent près des trois quarts de la population en dessous du seuil de pauvreté.
Madame la Présidente,
Je tiens à réitérer ici, devant cette Assemblée, l’engagement solennel que j’ai pris envers le peuple haïtien et la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour engager résolument le pays sur la voie d’un développement durable, s’appuyant sur l’Etat de droit, la stabilité politique, la lutte inlassable, acharnée et opiniâtre contre la corruption, sous toutes ses formes, la modernisation des institutions, le progrès socio-économique, la consolidation des conquêtes démocratiques et des acquis en matière de droits humains, qui, j’en ai la conviction, sont irréversibles.
Dans cette perspective, le nouveau Gouvernement d’union nationale qui vient d’être formé, s’attelle à la tâche, muni d’un plan d’action rénové, assorti d’un certain nombre d’objectifs prioritaires et de repères:
- l’amélioration immédiate des conditions de vie des couches les plus défavorisées et les plus vulnérables de la population grâce à des programmes novateurs ;
- l’amélioration du climat des affaires ;
- la relance des investissements publics et privés porteurs de croissance et de création d’emplois pour favoriser l’élargissement de la classe moyenne et la réduction significative des inégalités sociales et de l’exclusion, sous toutes ses formes ;
- la poursuite des réformes visant à consolider l’Etat de droit, renforcer le système de justice et la Police nationale, parallèlement au rétablissement en cours des Forces armées d’Haïti ;
- la lutte contre la corruption sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations ;
- la tenue, dans les délais prévus, des élections législatives en Octobre 2019 ;
- l’intensification des mesures destinées à renforcer la promotion et la défense des droits de la personne humaine.
A cette croisée des chemins, je lance un appel pressant à nos partenaires de la communauté internationale pour la poursuite d’une solidarité active avec le peuple haïtien dans le cadre d’un programme d’aide renouvelé, cohérent, substantiel, car il sera aligné sur les priorités nationales et mis en œuvre en étroite collaboration avec les institutions nationales et le secteur privé des affaires, mieux adapté aux réalités du terrain. Ce changement de paradigme renforcera sensiblement l’effort national et contribuera à l’atteinte des objectifs de développement durable que nous nous sommes fixés, en premier lieu, et l’élimination de la pauvreté à l’horizon 2030.
Madame la Présidente,
La paix, le développement et la sécurité vont de pair – on ne cesse de le répéter. Ils doivent être soutenus adéquatement par des investissements appropriés, axés sur la longue durée.
Ils nécessitent, en particulier, une affectation de ressources mieux adaptées aux besoins réels des pays bénéficiaires, qui tienne compte de leurs vulnérabilités structurelles, qui soit plus flexible et moins assujettie à des conditionnalités susceptibles de nuire, en fin de compte, à la viabilité même des réformes engagées et de saper certains objectifs essentiels de développement, dont celui de la stabilité à long terme.
L’accès à de bonnes infrastructures routière, électrique, numérique, sanitaire, scolaire, environnementale et hydraulique est un prérequis pour tout pays qui vise d’accéder au développement durable.
La République d’Haïti a reçu près de 11 Milliards de dollar en don et en prêt entre 2006 et 2016 et toutes ses infrastructures ne se sont pas mise en place.
- Comment parler de développement durable sans l’eau potable dans le robinet des familles ?
- Comment parler de développement durable sans l’eau pour l’irrigation sur les terres agricoles ?
- Comment parler de développement durable sans l’interconnexion des villes et des villages avec de bonnes routes ?
- Comment parler de développement durable sans des infrastructures électrique et numérique fiable ?
- Comment parler de développement durable sans des infrastructures scolaires et sanitaires adéquates ?
Ce sont ces questions que nous nous posons et ce sont les réponses à ces questions que nous nous efforçons, inlassablement, à trouver pour le peuple haïtien.
- Pour construire un réseau de transmissions, de distribution électrique et numérique convenable sur les 27,750 kms2, environ 400 Millions de dollars sont nécessaires.
- La République d’Haïti a près d’un million d’hectares de terre cultivable dont la moitié peut être irriguée sans grande difficulté. Malheureusement seulement 5% sont irriguées, pour viabiliser 450,000 hectares additionnelles, six cent soixante-quinze millions (675,000,000) de dollars sont nécessaires.
Pour que l’eau courante soit disponible dans les robinets des ménages de toutes les communes d’Haïti, seulement 220,000,000m3 sont nécessaires chaque année. Pourtant 40 Milliards de m3 d’eau de surface sont déversés à la mer chaque année. Avec environs trois cent millions de dollar (300,000,000 et 00/100) nous pouvons traiter les 220,000,000 m3 nécessaires pour desservir toutes les communes d’Haïti.
Nous avons besoin d’une production de 50 millions de plantules d’arbres fruitiers et forestiers chaque année pour reboiser le pays. La construction de 14 centres Germoplasme et de propagation végétale pouvant produire 63 millions de plantules/année coûte environ 35 millions de dollars.
S’agissant de l’éducation, 15,000 salles de classe sont nécessaires pour permettre aux 500,000 enfants qui ne fréquentent pas encore l’école d’avoir accès à une bonne éducation de base. Environs 450 millions de dollars sont nécessaires pour la construction de ces salles de classes.
Cent vingt-deux (122) centres de santé sont nécessaires pour combler le déficit que nous avons au niveau des sections communales ; 20 millions de dollars en sont nécessaires. Je profite aussi pour interpeller la communauté internationale sur l’obligation de mobiliser les ressources pour éliminer le choléra introduit par la MINUSTAH en Haïti et pour compenser les victimes.
Pour interconnecter et rénover les 146 communes d’Haïti et améliorer certains tronçons de routes dans les sections communales huit cent millions (800,000,000 et 00/100) de dollars sont nécessaires.
Du haut de cette tribune, je voudrais dire à nos partenaires techniques et financiers que nous devons, ensemble, nous armer du courage nécessaire pour repenser l’aide au développement d’Haïti et les autres pays qui en ont besoin, tout en ayant pour boussole la déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide publique au développement et le programme d’Accra de 2008.
Avec les maigres ressources financières de la République d’Haïti, nous avons commencé à mettre le pays en chantier. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de cette synergie pour construire l’avenir de notre pays. Nous sommes condamnés à travailler ensemble tout en respectant scrupuleusement les priorités d’Haïti.
La bataille contre la corruption entamée depuis le 07 Février 2017 ne saurait rester un vœu pieux. C’est une bataille qui nous permettra de léguer a la génération future, un pays meilleur où il fera bon vivre.
Je vous remercie.
S.E. Jovenel Moise
Président d’Haïti
New York, 21 septembre 2017