Huitième Symposium International annuel du Centre de Spiritualité et de Santé Mentale (CESSA): 15-17 Juin 2018, Hôtel Montana, Pétionville, Haiti
📅 Texte publié le vendredi 1er juin 2018
Texte reçu le 1er juin 2018
Thème :
« Spiritualité & Santé Mentale en Haïti : Promouvoir et renforcer l’empathie dans notre Haïti blessée, traumatisée, mais résiliente. Contributions de la psychologie et de la spiritualité »
Le Centre de Spiritualité et de Santé Mentale (CESSA) organise son huitième symposium international annuel du 15 au 17 juin 2018 à l’hôtel Montana, à Pétionville, sur le thème : « Spiritualité & Santé Mentale en Haïti : Promouvoir et renforcer l’empathie dans notre Haïti blessée, traumatisée, mais résiliente. Contributions de la psychologie et de la spiritualité » sous le haut patronage académique de l’Université Notre- Dame d’Haiti (UNDH).
Ce symposium international scientifique sera précédé, cette année, d’une pré-session de formation, sous forme d’un séminaire spécialisé sur le trauma qui sera animé par Dr Jennifer Dawson, d’International Trauma Center de Australie, à l’intention des cadres de l’éducation, des professionnels de la santé, des leaders religieux et des jeunes étudiants en sciences humaines.
Le symposium international de 2018 sur la santé mentale et la spiritualité qui accueillera 350 participants s’ouvrira par un spectacle offert par les enfants sourds-muets de l’Institut Montfort des Filles de la Sagesse de la Croix-des-Bouquets, où 4 thérapeutes de CESSA conduisent une fois par semaine des séances de thérapie de groupe pour ces enfants à handicaps sensoriels. Au terme du spectacle, suivront le mot de bienvenue du Provincial des Montfortains, le Père Jean-Jacques Saint-Louis, SMM, le message d’ouverture du Recteur de l’Université Notre-Dame d’Haiti (UNDH), Monseigneur Pierre-André Pierre. Puis la conférence inaugurale sera donnée par le Vice-Président de la Conférence Épiscopale d’Haiti (CEH), Monseigneur Pierre-André Dumas sur le sous- thème : « Vaincre la peur et entrer dans la confiance par l’empathie aujourd’hui en Haiti ».
Ensuite suivront les communications des experts, les sessions, les discussions et les ateliers pratiques de psychothérapie. Le symposium de cette année se clôturera également par un spectacle qui sera animé par des enfants de trois écoles de Cité Soleil où des psychologues de CESSA offrent, une fois par semaine, des services thérapeutiques.
L’empathie, comme la résilience, est devenue un vocable à la mode dans les discours ordinaires et académiques. Même si Carl Rogers n’est pas celui qui a fait officiellement entrer ce terme en psychologie, il est cependant le clinicien-chercheur qui en a popularisé le développement, particulièrement dans sa méthode de thérapie non-directive.
L’empathie est un concept polysémique. Mais dans le cadre de ce texte, j’opte pour la définition qu’en donne Rogers, dans le courant de la psychologie humaniste : « Sentir le monde privé de l’autre, comme s’il était le vôtre ». Selon lui, l’empathie constitue l’une des trois attitudes fondamentales que doit adopter le thérapeute – à côté de la considération inconditionnelle et de l’authenticité – pour faciliter le développement des patients. Elle réfère à cette disposition psychique d’approcher l’émotion de l’autre sans fusion (empathie émotionnelle), de comprendre ses pensées, sans forcément y adhérer, sans contagion (empathie cognitive). Elle implique aussi cette capacité de « s’ouvrir » à l’autre, de lui permettre d’exister dans notre espace de représentation privé comme un vrai autre, et de confirmer son existence.
Dans la littérature scientifique, l’empathie, est considérée comme le principal facteur dans l’explication des comportements prosociaux (Goutaudier et al., 2015 ; Morgado & Vale-Dias, 2013). En tant que tel, il est corrélé très significativement avec des compétences sociales, comme la coopération, l’entraide, la bienveillance, l’implication bénévole dans des associations, et le bien-être d’autrui, (Cialdini et al, 1987 ; Freeman, 1997).
Comprise comme principal facteur de ces comportements prosociaux précités, il demeure évident que l’empathie doit être promue et développée dans notre Haïti, marquée essentiellement par des conduites agressives révoltantes, des comportements antisociaux graves comme la violence, le vol, le vandalisme. Dans un pays comme le nôtre, en grave déficit d’empathie, il va sans dire qu’un symposium international sur cette thématique vient tirer la sonnette d’alarme.
L’empathie est aussi identifiée comme source essentielle de résilience. Les recherches suggèrent de cultiver l’empathie pour construire la résilience (Lecomte, 2013 ; Tisseron, 2010 ; Touch, 2007). En fait, ce huitième symposium fait suite à celui de l’année dernière qui portait essentiellement sur le concept de la résilience. « Raviver la Résilience dans un pays traumatisé : Développer les compétences des personnes », en était le thème.
Ce symposium m’offre donc la tribune idéale pour dire un mot sur CESSA qui, dès sa naissance, a contribué à animer dans le paysage universitaire haïtien une réflexion scientifique solide sur la dyade trauma-résilience, dans le contexte de notre pays.
En effet, ce centre de Spiritualité et de Santé Mentale de la province montfortaine d’Haiti, créé durant la période post-séisme du 12 Janvier 2010, a tenu son premier symposium international le 25 Juin 2011 à l’Université Notre-Dame d’Haïti (UNDH). Dès sa création en 2010, CESSA a fait le choix stratégique, mais non exclusif, de répondre de manière créative aux réalités traumatiques du pays en général et aux situations délétères (événements traumatiques, handicaps, carences affectives graves, grande précarité) en particulier, des enfants des périphéries existentielles et géographiques de notre nation.
Les périphéries existentielles de choix de CESSA sont les enfants « restavèk », traumatisés, sourds et muets, les jeunes handicapés sensoriels, ces « clients » à haut risque, ces grands oubliés des services de santé, ces exclus et ces vulnérables qui constituent « les invisibles » de notre société. Les périphéries géographiques où CESSA offre une présence thérapeutique sont les écoles dans des lieux à risques, comme Carrefour-Feuilles, des quartiers boueux de Cité Soleil et de Croix- des- Bouquets que traversent toutes les semaines nos 20 thérapeutes volontaires.
En raison de cette option existentielle, stratégique et géographique, le paradigme de la résilience est retenu comme un des modèles privilégiés d’intervention du centre. Car, s’il est utopique, en Haïti, nation traumatogène, de penser à faire disparaître les facteurs de risques, il est toutefois possible de transformer les obstacles en tremplins et de promouvoir les facteurs de protection, et de développer la résilience face aux facteurs de risques.
Dans la littérature scientifique, le domaine scolaire est considéré comme une des triades importantes pour le développement de la résilience, en lien avec l’environnement (les deux autres étant la famille et la société). S’inspirant de cette vaste recherche psychologique disponible ( Anaut, 2006 ; Anaut, 2015 ; Bouteyre, 2004 ; Rutter, 1990) qui suggère que l’institution scolaire est un des lieux privilégiés d’émergence et de stimulation de la résilience, particulièrement pour les enfants issus des milieux les plus défavorisés ou des familles les plus défaillantes, CESSA, par l’intermédiaire de ses vingt thérapeutes solidement entrainés, en plus des consultations psychologiques et des services thérapeutiques disponibles à sa clinique, participe au processus de résilience de 350 élèves dans 12 établissements scolaires au cœur des communautés les plus vulnérables de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, comme Carrefour-Feuilles, Tabarre, Cité Soleil, et Croix des Bouquets.
Outre des élèves, cent-cinquante (150) enseignants provenant de ces écoles et qui représentent un pôle d’étayage pour ces enfants en souffrance en leur servant de tuteurs de résilience, parfois sans le savoir, bénéficient, depuis trois ans, d’une formation continue, hautement spécialisée. Ces temps de formation visent à les équiper en vue de pouvoir mieux aider les enfants, confiés à leurs soins, à dépasser les difficultés et les traumatismes, à se reconstruire après des événements traumatiques, à se développer harmonieusement en dépit des risques, ou quelles que soient les épreuves traversées, à faire face à l’ adversité et à aller de l’ avant, à augmenter leurs compétences à partir de la situation délétère, et à les aider à transformer leur situation traumatique en une épreuve de laquelle pourrait surgir quelque chose de beau, de bon, en un merveilleux malheur (Cyrulnik, 1999).
A Cité Soleil, par exemple, les thérapeutes de CESSA, à travers le programme de thérapie de groupe et des interventions individuelles de Thérapie Cognitive Comportementale, (TCC) aident les enfants à comprendre que malgré le terrain boueux, ou au cœur même de celui-ci peut naitre une fleur splendide. A Croix–des-Bouquets, les jeunes psychologues de CESSA enseignent aux enfants en situation de handicap sensoriel, que du grain de sable, peut naitre un bijou précieux. A Carrefour-Feuilles, les thérapeutes volontaires de CESSA, par leurs actions éducatives et thérapeutiques, invitent les enfants, non seulement à ne pas faire impasse sur leurs blessures initiales mais les aident également à développer des compétences pour en faire émerger la beauté.
Tout ce travail de réorganisation psychique, de reconstruction dynamique, de restauration psychologique des individus traumatisés aurait été impossible avec une seule personne et une seule institution. En fidélité à son éthique de l’entraide communautaire en vue de créer une certaine reconnaissance pour les enfants invisibles de Cité Soleil, de Croix-des-Bouquets, de Tabarre, au nom de sa politique de solidarité internationale en lien avec le partage des savoirs et sa philosophie de construction des ponts entre les centres de pouvoir intellectuel et les périphéries géographiques, CESSA invite des cliniciens-chercheurs rigoureusement formés à Harvard University, et des professeurs de Columbia University pour ne citer que ces deux universités des plus prestigieuses des États-Unis, à venir partager, avec ces enseignants des écoles défavorisées, leurs connaissances sophistiquées, mais rendues simples pour les destinataires et à participer aussi activement à la formation scientifique de ses thérapeutes. Ce symposium est donc l’occasion privilégiée pour rendre hommage à tous ces cliniciens-chercheurs volontaires venant des USA, et cette année, de très très loin, d’Australie.
Je dois aussi souligner que la réalisation de cette initiative scientifique est le résultat d’ un effort collectif national et international qui rassemble des professionnels de CESSA, des spécialistes de l’ Université Notre-Dame d’ Haiti (UNDH), du Centre-Inter Institut de Formation Religieuse (CIFOR) et de l’ Institut de Philosophie Saint François de Sales, des chercheurs de l’ Université d’ Etat d’ Haiti (UEH) et de l’Université Episcopale d’ Haiti (UNEPH) ; des psychologues de Partners in Health, (Zanmi Lasanté), des scientifiques de l’ Université Columbia des USA, de l’ Université Bourgogne Franche-Comté de la France, des experts de l’ Institut de Formation Humaine Intégrale de Montréal (IFHIM) du Canada et Réseau/Haiti, des cliniciens de Jung Center, de Institute for Disaster Mental Health (IDMH), de Association of Trauma Outreach and Prevention (ATOP) Meaningful World des USA, de International Trauma Center de Australie. CESSA convoque toute la communauté scientifique nationale et internationale de différents horizons à venir croiser leurs regards respectifs sur la thématique retenue et à partager avec les, leaders, professionnels, éducateurs, professeurs, étudiants, consacrés, les meilleurs pratiques en santé mentale et les techniques innovatrices en psychologie en vue de continuer à promouvoir la santé en Haïti et la santé d’Haïti.
Je souhaite que ce colloque scientifique interdisciplinaire qui dresse l’état des connaissances sur l’empathie et présente des recherches dans différents domaines de la psychologie cognitive à la psychologie clinique, de la philosophie à la théologie, soit l’occasion d’échanges dynamiques et de réflexions fécondes. Je voudrais enfin vous inviter tous, participants, à faire preuve d’esprit d’ouverture et de capacité de tolérance pour le plein succès de ce symposium. Tolérez s’il vous plait, la différence ! Osez être différents.
A tous et à chacun, je souhaite un EXCELLENT SYMPOSIUM.
Père Wismick Jean-Charles, SMM, PhD
Coordonnateur général du Symposium