Faisons également attention à ce qui se passe ailleurs

Ces derniers jours, Haïti revient à la une dans les colonnes des quotidiens internationaux avec le scandale sexuel autour de la confédération d’ONGs nommée Oxfam(1). Je me demande bien si ce scandale, qui mit en cause ses employés de cet organisme brittanique, et non des moindres(2), atteindrait une telle ampleur si les Haïtiens faisaient attention à “ce qui se passe ailleurs”, menaient les enquêtes sur les organismes qui veulent s’établir en Haiti et les individus qui font de notre précieuse terre, un lieu de prédilection pour leurs « activités à caractère humanitaire ».

Oxfam ne fut pas le premier organisme international dont les employés ou les cadres profitent de la misère du peuple pour donner libre cours à leurs bas désirs, pour corrompre et détruire moralement nos jeunes.

De 2004 à leur départ en 2017, des soldats de la Minustah, cette force politico-militaire de l’ONU, avaient abusé des enfants, des jeunes des deux sexes en profitant de notre situation de vulnérabilité(3). Ils sont même responsables de la réapparition sur le territoire national du choléra qui continue à terrasser nos compatriotes(4).

Depuis lors d’autres ONG se sont établis en Haïti, créant un peu partout des orphelinats et autres oeuvres de bienfaisance qui sont devenus les repaires de dévergondés et de trafiquants d’enfants.

Nous sommes devenus les victimes de ces mécréants parce que nous ne faisons pas suffisamment attention à ce qui se passe ailleurs.

  1. Ailleurs, il se passe bien des choses déshonnêtes qui nous devraient nous rendre prudents. Et cette prudence nous obligerait à examiner minutieusement chaque demande d’établissement d’un ONG sur le territoire, à soumettre ces organismes étrangers à un contrôle rigoureux et périodique.
  2. Ailleurs, le haut-niveau de duperie semble imprégner toutes les couches sociales et se reflète à travers l’exagération, l’utilisation de ce qu’il appellent des « faits alternatifs » des faits, la rédaction soigneuse des publications masquant la vérité ou contenant des demi-vérités. Cette malhonnêteté patente aurait dû nous rendre méfiants, et nous inciter à ne pas prendre au pied de la lettre, les promesses.
  3. Ailleurs, le racisme devient de plus en plus visqueux et ceux ou celles qui embrassent cette morbide idéologie ne se cachent plus derrière le “politiquement correct” paravent et n’essaient plus d’opacifier dialectiquement leurs discours. Ils reprennent sur toutes les tribunes les arguments jadis utilisés et qu’on pensait désuets. Alors nation de race noire, on devrait faire passer au creuset de notre singularité ceux et celles qui se proposent de nous aider.
  4. Ailleurs, les problèmes d’abus et de harcèlement sexuels s’amplifient à un point qu’un mouvement d’une grande ampleur, le #metoo (aux USA) ou le #balancetonporc (en France), a pris récemment naissance, permettant aux femmes de ne plus se laisser retenir par la honte, de divulguer et de dénoncer l’expérience de viol et de harcèlements sexuels subis au boulot par des hommes en position d’autorité.

Nos leaders et élites ne font pas attention à ce qui se passent ailleurs. Et pourtant, armés de ces outils de communication désormais à la portée de tous, il leur suffirait d’écouter les discours des leaders de la république voisine, de lire les interventions les discours des politiciens et religieux de l’extrême-droite des puissances occidentales, de comprendre la position de puissants lobbyistes et groupes de pression promouvant littéralement et sans vergogne une culture de la mort.

Nos jeunes ne font pas attention, et par ce, ils deviennent encore plus vulnérables. Sinon, ces jeunes femmes, victimes des cadres de l’Oxfam et autres prédateurs en position d’autorité, se lanceraient également dans ce combat collectif.

Nous ne serions pas si naïfs si nous faisons attentions aux choses d’ailleurs. Notre naïveté nous pousse à ouvrir toutes grandes nos portes à ceux et celles qui, plus tard, nous trahiront, nous dénigreront ou pire, violeront sur place nos enfants.

Hier c’était la Minustah qui nous abusait. Aujourd’hui, ce sont les cadres de l’Oxfam qui profitent de nos misères. Demain! Qui sait? Ce sera le tour d’un autre ONG avec des responsables aux objectifs non-avoués et qui n’ont rien à voir avec la cause humanitaire qu’ils entendent embrasser, ou des compagnies pétrolières qui nous vendront de l’essence qu’elles n’oseraient offrir ailleurs.

Haïtiens, nous devons redoubler de vigilance et surtout comprendre que ne pouvons plus nous cacher derrière l’argument du “moindre mal” pour accepter la pullulation et la cacophonie sociale des organismes non-gouvernementaux chez nous, ou  accepter de faire des affaires avec n’importe qui.

J.A.

  1. Oxfam est une confédération internationale de 20 organisations qui travaillent ensemble, avec des partenaires et communautés locales, dans plus de 90 pays…
    Dans l’ensemble de nos activités, nous travaillons avec des organisations partenaires aux côtés de femmes et d’hommes vulnérables afin de mettre fin aux injustices qui causent la pauvreté.
    (Site Web de l’organisation: https://www.oxfam.org/fr/qui-sommes-nous)
  2. L’ancien directeur de l’ONG britannique Oxfam en Haïti a reconnu avoir fait venir en 2011 des prostituées au domicile financé par l’organisation, lit-on dans les conclusions d’une enquête interne.

    « Oxfam en Haïti : une mission entachée par la prostitution et l’intimidation » Le Monde (France). 19 février 2018. Vérifié le 27 février 2018, [http://www.lemonde.fr/international/article/2018/02/19/l-ancien-directeur-d-oxfam-en-haiti-avait-paye-des-prostituees_5258936_3210.html]
  3. Kolbe, Athena R. »It’s Not a Gift When It Comes with Price: A Qualitative Study of Transactional Sex between UN Peacekeepers and Haitian Citizens. » Stability: International Journal of Security and Development. 4.1 (20 août, 2015).
  4. L’ONU avait d’abord nié sa responsabilité dans la contamination qui  a causé près de 10 000 morts depuis l’arrivée de la bactérie dans le pays, en 2010, et elle a rendu malades 800 000 personnes. Voilà six ans que des casques bleus sont accusés de l’avoir apportée avec eux du Népal, ce que l’institution internationale s’est obstinée à nier jusqu’à présent.

    « L’ONU admet sa responsabilité dans l’épidémie de choléra en Haïti » Le Monde (France). 19 août 2016. Vérifié le 26 février 2018,
    [http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/08/19/l-onu-admet-sa-responsabilite-dans-l-epidemie-de-cholera-en-haiti_4985249_3244.html]