Élections du 20 novembre : Où est l’engouement?
📅 Texte publié le samedi 12 novembre 2016
Après les déconcertantes élections du 8 novembre aux États-Unis, Haïti, se prépare à sa journée électorale dans le but de boucler le processus entamé plus de 15 mois plus tôt et qui a été alors un véritable fiasco.
Absent pourtant l’engouement, la frénésie et l’effervescence observés lors des élections précédentes.
L’électeur Haïtien, parce qu’il a été échaudé plus d’une fois pendant ces 30 dernières années, ne se fait plus d’illusions. Il sait d’expérience que son choix ne sera pas respecté et que quelqu’un au Département d’État, au quartier général de l’OEA à Washington ou dans un des bureaux de l’édifice de l’ONU à New York décernera la présidence à celui ou celle qui arrive en deuxième, voire en troisième position. Critères pour le grand prix? Le sélectionné devra être malléable, d’une intransigeance patriotique soluble dans l’appât du gain; ignorance politique sera un grand atout. Ainsi, il se laissera donc facilement manipulé, exécutera des projets destructeurs et se taira face aux désastres importés (exemples: choléra, choléra, choléra) et aux violations de toutes sortes dont des violences sexuelles sur les mineurs.
L’électeur sait que même quand son vote compterait pour quelque chose, le candidat sera bien différent de l’élu. Les candidats mentent délibérément sachant que la plupart de leurs promesses de campagne sont irréalisables et que les alliances passées avec leurs adversaires après le premier tour seront reniées au profit d’alliances ultérieures avec des groupes de pression ou des élites qui se muent comme le caméléon.
L’électeur Haïtien n’est nullement dupe. Il sait que le président fraîchement élu subit des assauts répétés de flagorneurs qui contribueront à sa perte s’il n’arrive pas à séparer le bon grain de l’ivraie. Pour ce faire, celui-ci a besoin d’une grande légitimité, d’une inflexible autorité et d’un courage politique que certains pourront même assimiler à un suicide politique, car ces flagorneurs qui peuvent même se rabaisser au niveau de « ti sousou » ne pensent qu’à leurs poches, à entasser leurs parents et amis dans les administrations de l’État et finalement à une retraite douce en Floride. Cette démarche est plutôt rare dans les annales de l’histoire.
L’opportunité ne sera jamais donnée à l’électeur moyen d’être un flagorneur. On pourra occasionnellement faire appel à lui si on détecte dans sa personnalité une propension pour les basses besognes et des actions tendant à l’annihilation des membres influents de son propre camp. Malheureusement, il sera également le premier à payer de sa vie son excès de zèle, une fois déchus ses protecteurs. Ceux et celles dans la trentaine ne se rappelleront pas les noms de « Gros Schiller » et de « Volmas »*, à moins qu’ils s’intéressent sérieusement à l’histoire récente de leur pays.
Toutes ces idées et toutes ces pensées trottent dans la tête de la grande majorité des électeurs Haïtiens à quelques jours du dimanche 20 novembre, s’il n’a pas à faire face, après le passage de Matthew et les inondations qui s’en suivent, à des exigences de la gestion desquelles dépend sa survie ou celle de sa famille.
Les élections on en fera périodiquement en Haïti, une façon pour les élites politiques de satisfaire les donateurs internationaux et ainsi renflouer leur avoir. Ils savent que ces donateurs se contentent de peu : Une date et ils s’occuperont des résultats. Ils savent bien que les élections ne changeront pas grand-chose pour la masse tant qu’on ne change pas radicalement les institutions haïtiennes en les orientant vers la recherche du Bien commun. Et ça, ces donateurs ne l’accepteront.
Les résultats des élections américaines ont été déconcertants certes pour plus de la moitié de l’électorat du voisin du Nord, mais les déçus savent bien que leur pays est pourvu d’institutions, d’agences fédérales et d’une constitution qui les protègent contre l’arbitraire. En Haïti, nous sommes à la merci de tout chef d’état mégalomane, autocratique, arrogant, ignorant. D’où la grande différence!
J.A.
✍ Note:
- Gros Schiller et Volmas faisaient partie de l’escadron de la mort de Frank Romain, ancien chef de la Police devenu maire de Port-au-Prince suite aux élections bidon de Janvier 1988.
Après le coup d’état du 17 septembre contre le président Henri Namphy qui comptait sur cet escadron pour faire taire ses critiques, Romain s’enfuit du pays.
Gros Schiller et Volmas arrêtés par les soldats de l’armée furent livrés à une populace qui les tabassa pour ensuite les exécuter de façon affreuse. Ils furent alors accusés d’avoir mis le feu au marché Salomon dans la nuit du 22 au 23 novembre 1987 et l’attaque dans la chapelle de Saint Jean Bosco (11 septembre 1988).