Retour aux années tumultueuses?
📅 Texte publié le dimanche 26 juin 2016
« Le cynisme, l’égoïsme, le chacun pour soi, ça finit par puer très, très fort. »
Morel, François. Je veux être futile à la France. Paris: DeNoel/France Inter, 2013 (14 décembre 2012).
On l’avait vu dans les années 2001-2004, et l’histoire nous rapporte les événements de la fin de l’année 1956 et des neuf premiers mois de 1957. On voulait alors se défaire d’une personne, et pour ce, on a pris les grands moyens qui se sont révélés déstabilisateurs, en ciblant tout, même ses propres partenaires.
Aujourd’hui, on a l’impression de revivre ce cauchemar. On veut renvoyer un président provisoire et, au lieu d’encourager les parlementaires à privilégier les intérêts suprêmes de la nation et à se réunir en assemblée nationale pour lui donner, s’il le mérite vraiment, un vote de non reconduction, on lance alors dans la rue ses hordes « lourdement armées » qui ciblent les rares entreprises fonctionnant encore dans le pays et certains hôtels [1].
Et pourquoi?
Pour pouvoir s’accaparer ou éventuellement reprendre les rênes du pouvoir exécutif, pour effrayer les entités internationales qui détiennent des intérêts en Haïti et les pousser à user de leur accès et de leur influence auprès des autorités des puissances étrangères pour renvoyer manu militari le gêneur.
En Haïti qui détient les rênes du pouvoir exécutif, s’assimile à l’État parce qu’il pense qu’il détient le monopole de l’économie, de la justice et contrôle les autres appareils de l’État. Qui détient le pouvoir pense avoir le droit de vie ou de mort sur ses concitoyens. Les amis et alliés de qui détient le pouvoir peuvent agir en toute impunité en amassant honteusement des richesses ou en augmentant leurs avoirs. Voilà donc les motivations des commanditaires du banditisme tel observé ces derniers jours.
Ils font également tout pour, en plus des actions armées, manipuler le peuple dépourvu hélas des outils de dépistage qui lui permettraient de les démasquer. De ce fait, ce peuple est obligé de se fier aux messages véhiculés par des journalistes qui suivent bien souvent la ligne éditoriale des patrons de leur média ou alors leur propre credo politique. Alors, ils tuent et se disent révoltés par les assassinats. Ils vandalisent par procuration et s’arment pour, disent-ils, se défendre et se protéger. Ils sapent nos institutions et se disent révoltés par leur faiblesse et le manque de respect qu’on leur manifeste. Les grandes priorités d’Haïti, ils s’en fichent :
- L’Éducation ? Ils envoient leurs enfants étudier à l’étranger au lieu de venir en aide aux universités, et ainsi contribuer à leur rayonnement ;
- La santé ? Ils se rendent à Miami pour les soins d’urgence ou en République Dominicaine pour les routines, d’où leur manque d’empathie pour aussi bien les internes grévistes des hôpitaux publics que pour les victimes recrutées parmi les plus pauvres de la population.
- L’environnement ? Ils sont simplement obsédés par les possibles ressources minières et se soucient peu de la dégradation de notre environnement ;
La commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale (Cieve) qui a exposé, dans son rapport, leurs méfaits durant la gabegie électorale de 2015, les rend hystériques, et quoique la confiscation du nouvel appareil électoral n’est pas tout à fait impossible à ce niveau, ils ne veulent pas prendre le risque de perdre pour quelques années certains de leurs privilèges. Comme disait un fameux ministre de l’Intérieur de Jean-Claude Duvalier à un de ses collègues au début des années 80 : « Mon chè, bon zo sa a ki nan men nou an, pou nou ta kite yo pran li. Nap sèvi ak yo! »[2] La peur en Haïti a une longue histoire. Et l’histoire de la méchanceté est tout aussi longue.
Dommage que la majorité ne puisse comprendre ces manœuvres motivées par le dédain pour le petit peuple, la peur de rentrer dans la légalité et la méchanceté. Dommage que la communauté internationale se mette beaucoup plus à l’écoute de ces malfrats et se bouche les oreilles aux plaintes du peuple. Dommage pour Haïti! On est en train de la préparer pour la faire revivre les années tumultueuses de 1912-1915, de 1956-57, de 2001-2004.
J.A.
✍ Notes:
- « Haïti – FLASH : Plusieurs Entreprises Dont L’Hôtel Marriott Criblés De Balle ». Haiti Libre (Haiti) 25 Juin 2016. Enligne : http://www.haitilibre.com/article-17835-haiti-flash-plusieurs-entreprises-dont-l-hotel-marriott-cribles-de-balles.html. Consulté le 26 Juin 2016.
- « Mon ami, on ne va tout de même pas se laisser ravir cet os juteux qui fait nos délices. Nous terrasserons ces ravisseurs ! »