Accord pour une sortie durable de la crise politique entre le Président de la République et des Partis politiques

Document reçu le 12 janvier 2015

accord_janv2015Cet accord est le deuxième document du genre paraphé par des acteurs politiques en deux semaines. Il fit suite au Rapport de la commission présidentielle de la deuxième semaine de décembre 2014 dont le calendrier proposé devint inapplicable.

Appelé « Accord pour une sortie durable de la crise politique entre le Président de la République et des Partis politiques », il a été signé le 11 janvier 2015 à l’Hotel Kinam par le président haitien, Michel Joseph Martelly, et des représentants de partis politiques sans grands poids.

Un gouvernement dit de consensus a été formé ultérieurement et un nouveau Conseil électoral formé.

Texte de l’Accord
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Conscients que leur pays Haïti traverse une crise politique majeure qui risque d’affecter le bon fonctionnement de l’État;

Préoccupés par les conséquences néfastes que risque d’occasionner l’absence de consensus autour d’un accord global de sortie de crise qui tienne compte des revendications légitimes de tous les secteurs de la société haïtienne ;

Soucieux de récupérer, dans les meilleurs délais, la plénitude de la souveraineté nationale en mettant tout en œuvre pour qu’une solution haïtienne soit trouvée à la crise politique;

Désireux de privilégier le dialogue et les négociations comme mécanisme de règlements des conflits et de recherche de solutions ;

Déterminés à trouver ensemble des mesures appropriées pour créer les conditions propices à l’organisation d’élections libres, honnêtes, inclusives, crédibles et souveraines ;

Considérant qu’il est impératif de mettre en place un train de mesures additionnelles pour répondre aux revendications de la population;

Considérant l’acceptation par le Président de la République des recommandations du rapport produit par la commission consultative ;

Ont convenu de ce qui suit :

1. Prennent acte du fait que des pas importants vers la résolution de la crise ont été accomplis avec la démission du Premier Ministre et de son gouvernement, la démission du Président de la Cour de Cassation et celle des neuf membres du Conseil Électoral Provisoire et la libération de plusieurs prisonniers « dits politiques ».

2. Décident de tout mettre en œuvre pour rétablir la confiance dans les institutions et parvenir à réaliser des élections législatives pour les deux tiers du Sénat et les députés, pour les collectivités territoriales et l’élection présidentielle avant la fin de l’année 2015.

Sur la question électorale en général et le Conseil Électoral Provisoire en particulier :


3. Le Conseil Électoral Provisoire (CEP) sera constitué selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution en vue de rétablir la confiance dans le processus électoral et garantir l’indépendance et l’impartialité de l’institution. Pour y parvenir les membres du CEP seront proposés par divers secteurs de la société civile haïtienne qui n’ont aucune affiliation partisane et ne participent pas directement aux compétitions électorales.

4. Les pouvoirs publics, l’administration publique et les partis politiques ne seront pas représentés dans ce CEP.

5. Les entités suivantes ont été retenues pour proposer des noms au CEP :

  • Un par la Conférence épiscopale d’Haïti;
  • Un par les Cultes réformés, coordonné par la Fédération protestante d’Haïti et l’Église épiscopale d’Haïti;
  • Un par le Secteur Paysan/Vaudou, coordonné par KOREPLA, KOZE PEP, TETKOLE TI PEYIZAN AYISYEN et la Confédération des vodouisants d’Haïti;
  • Un par le Secteur Patronal, coordonné par le Forum Économique du secteur privé;
  • Un par le Secteur Syndical, coordonné par le CNEH et la CGT;
  • Un par le Secteur Presse, coordonné par l’ANMH;
  • Un par le Secteur de l’Université, coordonné par la Conférence des Recteurs et Présidents d’Université d’Haïti;
  • Un par le Secteur Femme, coordonné par Fanm Yo La et SOFA Un par le Secteur des Droits humains, coordonné par le POHDH.

6. Chacun des secteurs susmentionnés présentera deux personnalités indépendantes sans affiliation partisane, dont l’une est le choix principal, et l’autre le choix alternatif.

7. Les trois secteurs suivants: Secteur Université, Secteur Femme et Secteur Syndical devront obligatoirement désigner, pour leurs deux choix, des personnalités de sexe féminin.

8. Le président de la République nommera par arrêté le nouveau CEP qui aura pour mandat d’organiser les élections prévues au point 2 du présent accord.

9. Le nouveau CEP évaluera les travaux déjà entrepris par le CEP démissionnaire, s’assurera de la poursuite de la mise en place des structures opérationnelles dans la transparence et apportera tous correctifs nécessaires pour aboutir à un appareil électoral impartial.

10. Le nouveau gouvernement de consensus mentionné ci-dessous devra intégrer dans le budget général de la république une ligne budgétaire pour le financement public des partis politiques tel que prévu dans la loi sur les partis politiques. Des provisions seront également constituées pour le financement de l’organisation des élections et de la campagne électorale.

11. Le nouveau gouvernement devra créer un environnement propice à la réalisation des élections dans un climat sécuritaire.

12. Tous les partis politiques et tous les candidats indépendants devront s’engager à respecter le code d’éthique élaboré par le CEP.

13. Les moyens de l’État et de l’Administration publique ne pourront pas être utilisés à des fins partisanes, particulièrement pendant la campagne électorale.

14. Les médias d’État offriront des temps d’antenne à tous les candidats en fonction de l’importance de la couverture nationale de leur parti.

15. Une commission bipartite (présidence et partis politiques) travaille à la recherche d’un consensus autour des modifications de la loi électorale à proposer au Parlement.

Sur la Cour de Cassation:


16. Le Gouvernement de consensus mentionné ci-après vérifie la régularité de la nomination des juges de la Cour de Cassation dont la désignation aura été considérée irrégulière et, le cas échéant, demande au Président de la République et au Sénat de combler les postes à pourvoir. Pour accélérer le processus, le Sénat pourra faire ses choix parmi les candidats déjà considérés comme étant éligibles, y compris ceux qui pourraient éventuellement être invités à démissionner.

Sur le gouvernement de consensus:


17. Les parties signataires constatent qu’un Premier ministre a été nommé par le Président de la République sans l’accord de toutes les parties. Cette nomination étant faite, le Président de la République, dans le respect de la Constitution, prendra, s’il le désire, les mesures nécessaires en vue d’obtenir la confiance des Chambres. En cas de rejet, un nouveau Premier Ministre sera choisi par consensus et le gouvernement formé de la même façon.

18. En cas de nouveau choix de Premier ministre de consensus, celui-ci devra autant que possible présenter le profil suivant :

  • Répondre aux exigences constitutionnelles pour remplir la fonction de premier ministre.
  • Être une femme ou un homme venant de partis politiques ou de la société civile, et qui inspire confiance aux différents acteurs.
  • Avoir les qualités de rassembleur et être capable de rassurer tous les secteurs concernés par la crise.
  • Bien connaitre le paysage politique et avoir la capacité de discuter avec l’ensemble des principaux acteurs, en tenant compte des revendications de tous les secteurs de la vie nationale.
  • Avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l’Administration publique.

19. Les parties signataires s’engagent à préserver autant que possible l’esprit prévalant à la formation de ce gouvernement de consensus jusqu’aux prochaines élections législatives.

20. La mission du gouvernement de consensus est principalement de créer les conditions pour faciliter la tenue d’élections libres, transparentes, souveraines et inclusives en application des dispositions du présent accord.

21. Il est entendu que le Premier ministre et les membres du gouvernement de consensus s’engageront à ne pas se présenter comme candidat aux prochaines élections.

Sur le rôle du Parlement:


22. Le Président et les parlementaires se mettent d’accord sur un agenda législatif et sur les moyens d’éviter un vide institutionnel.

Sur la situation des agents exécutifs intérimaires


23. Le gouvernement de consensus procèdera à la réévaluation de la nomination des agents intérimaires et pourvoira le cas échéant au remplacement des agents qui ne peuvent être retenus.

24. Les agents exécutifs intérimaires actuels qui n’auront pas démissionné dans les trente (30) jours, ainsi que ceux qui seront nommés après la publication des modifications de la loi électorale, ne pourront pas se présenter comme candidats aux prochaines élections.

Sur les mesures structurelles:


25. Il incombe au gouvernement de consensus de commencer à mettre en œuvre les mesures structurelles permettant de garantir la stabilité et la gouvernabilité du pays et d’engager des actions immédiates pour assurer la bonne gouvernance en mettant l’accent sur :

  • la rationalisation de la gestion des finances publiques ;
  • la moralisation du fonctionnement des institutions publiques ;
  • la création des conditions pour attirer les investissements susceptibles de créer des emplois durables bien rémunérés ;
  • la relance de la production nationale ;
  • la création de richesses et leur juste répartition en vue de réduire la pauvreté ;
  • la réforme du système judiciaire;
  • le renforcement des capacités d’intervention de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif.

Une feuille de route sera établie pour orienter la mise en œuvre des mesures structurelles susmentionnées.

26. Pour ce qui est de la Constitution de 1987, il est souhaitable d’engager les concertations à l’échelle nationale en vue de construire le consensus nécessaire pour assurer l’adoption des amendements jugés indispensables. La Constitution étant le socle sur lequel doit être fondé notre démocratie, il importe de respecter autant que possible les règles et procédures qui y sont prévues pour son amendement.

27. Il demeure entendu que cet accord ne peut être modifié qu’après entente formelle entre les parties signataires de la présente.

28. Le présent Accord sera signé et exécuté par les parties, chacun en ce qui le concerne.

Fait à Port-au-Prince, le onze (11) janvier deux mille quinze (2015), An deux cent douzième (212ème) de l’Indépendance.

Par le Président :

  • Michel Joseph Martelly

Les partis politiques:

  • Ayisyen pou Ayiti
  • Inite
  • Kontra pèp la 
  • Fusion des sociaux-démocrates haïtiens.

Partis endossant l’Accord:

  • RENMEN AYITI: Jean Henry CEANT
  • ANSANM NOU FO: Jose ULYSSE
  • Alliance Chretienne et Citoyenne pour la Reconstruction d’Haiti (ACCRHA): Pasteur Chavannes JEUNE
  • Union des Patriotes pour l’Avancement National (UPAN): Marc GUILLAUME
  • KONFYANS: Harry Precius Dessieu
  • Patriyot Natif Natal (PNN): Fils-Aime Ignace Saint-Fleur
  • Union Patriotique des Démocrates Chrétiens (UPDC): Kettly Adam Surin
  • Parti de la Diaspora Haitienne pour Haiti (MUDHAH): Macsonne Polyte
  • Union des Democrates Haitiens (UNDH): Eddy Mésidor
  • Rassemblement des Militants Progressistes d’Haiti (RAMPHA): Sene Debre Juslair
  • Parti Resistance Nationale Contre la Pauvreté (PRENACOP): Pierre Melisca Romestil
  • Mobilisation Democratique pour le Relevement d’Haiti (MDRH): Asnel Alexandre