Message de Noël 2014 de la Conférence des Évêques d’Haïti
📅 Texte publié le mardi 2 décembre 2014
Texte reçu le 1er décembre 2014
1. « Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils né d’une femme ». (Galates 4,4)
2. Nous Évêques d’Haïti, réunis en Assemblée plénière, nous nous adressons à vous prêtres, religieux, religieuses, disciples missionnaires, peuple de Dieu qui est en Haïti, tous les hommes et les femmes de bonne volonté : salut et paix dans le Christ !
3. Nous nous apprêtons à célébrer le jour où le Christ est né, jour sans pareil où le Fils de Dieu devint aussi le fils d’une femme en prenant chair de notre chair. Depuis bien longtemps, Dieu a préparé ce jour. L’humanité l’a désiré. Et comme Abraham, elle s’en est réjouie. (cf. Jean 8,56)
4. La conjoncture sociale, politique et religieuse de l’époque de Jésus n’était pas des plus rassurantes. Les rivalités sociales, les factions politiques, la polarisation religieuse, la domination étrangère : ce sont là les composantes du climat historique de la naissance de Jésus. Mais, c’était le temps!
- Le temps favorable à la proclamation de la Bonne Nouvelle!
- Le temps de la grande espérance et du renouveau intégral!
5. Jésus lui-même a établi la relation entre sa mission et son temps en proclamant : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche»? (Marc 1,15)
6. Les hérauts de l’Évangile ont compris qu’il fallait donc insister sur le facteur temps et la réalité du salut : « C’est l’heure désormais de sortir de votre sommeil. Le salut est maintenant plus près de vous. » (Romains 13,11). Ou encore : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs (…) Mais encouragez-vous mutuellement chaque jour, tant que vaut cet aujourd’hui, afin qu’aucun de vous ne s’endurcisse par la séduction du péché. » (Hébreux 3,7.13)
7. Dieu nous accorde le salut en son temps et dans le temps! N’avons-nous pas perdu trop de temps? Il est bon de nous interroger là-dessus. Comme peuple et comme nation savons-nous découvrir les temps propices et les moments favorables au mieux-être de notre pays? Savons-nous profiter des grandes opportunités qui nous sont offertes pour notre avancement et notre plein développement?
8. Tout au cours de notre histoire, si nous avons toujours fait preuve de résilience, de courage, de foi en l’avenir, il est bon de reconnaître en même temps que nous avons aussi raté de nombreuses occasions.
9. La non-perception de l’urgence de l’heure et du moment entraîne des conséquences néfastes incalculables. Tel fut le cas de Jérusalem qui n’a pas su reconnaître le temps de la visite du Seigneur. Et ce fut l’objet de ses pleurs et de ses lamentations. (cf. Luc 19, 41-44) Tel est aussi notre cas!
10. Aujourd’hui encore, nous ne cessons pas de nous entredéchirer, de ruiner notre pays et de compromettre l’avenir de nos générations. Tandis que le temps presse, des acteurs politiques entretiennent un bras de fer interminable au détriment des intérêts supérieurs de la nation.
11. Avec la grande majorité, nous constatons :
- La non-organisation d’élections au temps fixé et l’inflexibilité des uns et des autres ne permettant pas de les tenir jusqu’à maintenant!
- La cherté du prix des produits de première nécessité et son corollaire, l’insécurité alimentaire!
- La dégradation accélérée de l’environnement due à la déforestation progressive et à l’érosion massive!
- Le désespoir de la grande majorité de la population et des jeunes en particulier à cause, notamment, du chômage et du sous-emploi!
- L’émigration croissante et l’exode clandestin détruisant les familles, attirant contre notre peuple des humiliations et des vexations déshumanisantes!
- La précarité des systèmes éducatif, judiciaire et sanitaire entraînant un dysfonctionnement de l’administration publique!
- Le manque et parfois l’absence d’encadrement offerts à nos étudiants et nos professionnels!
12. Frères et sœurs d’Haïti, l’heure est grave certes. Mais, si nous ne saisissons pas l’occasion que ce temps nous offre de nous unir pour promouvoir et défendre notre dignité comme personne et comme peuple, nous permettrons à d’autres de continuer à nous asservir et à nous vassaliser.
13. Pour sortir de cette situation catastrophique notre mission de pasteurs nous impose le devoir de rappeler ceci :
- Il est temps d’entrer dans une démarche de conversion qui conduit à un véritable changement dans notre relation avec Dieu, entre nous, à notre pays et à son environnement;
- Il est temps d’arrêter la pratique du marronnage, de la duplicité et de la démagogie;
- Il est temps de comprendre que l’aide internationale ou tout support de l’étranger ne saurait remplacer la conscience citoyenne, élément indispensable à la survie et au sauvetage national;
- Il est temps de tout entreprendre pour éviter la déstabilisation de nos faibles institutions, le chaos à quelque niveau que ce soit;
- Il est temps d’arrêter cette escalade de la violence, du banditisme et de l’insécurité;
- Il est temps d’emprunter le chemin du respect, de l’écoute, de la confiance et de l’entente jusqu’à en faire une culture dans la résolution de nos conflits;
- Il est temps de nous dépasser et de nous élever pour ne pas répéter les erreurs du passé et inventer les avenues d’un lendemain meilleur en cherchant et en trouvant nous-mêmes, Haïtiens et Haïtiennes, les solutions à nos problèmes;
- Il est temps de comprendre que la politique est un moyen pour organiser le bien commun en tant que perfection morale et ordonnance matérielle. « La politique est la forme la plus haute de la charité, car elle cherche le bien commun » (Pape François à Rome, juin 2013)
14. En cette fête de Noël, nous vous invitons à l’espérance en vous conviant à regarder vers l’Astre d’en-haut qui vient illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l’ombre de la mort afin de conduire leur pas vers le chemin de la paix. (cf. Luc 1, 78-79) Venez, approchons-nous de cette lumière qui s’offre à tous!
15. Que Notre Dame du Perpétuel Secours, notre patronne et notre protectrice nous aide par nos chemins de lutte à rencontrer le Sauveur du monde : Jésus son Fils.
16. Que les fêtes de Noël soient l’occasion pour les familles et les amis de se retrouver dans l’amour et dans la paix.
17. Paix aux hommes et aux femmes de bonne volonté!
18. À tous et à toutes, Joyeux Noël 2014! Sainte et Bonne année 2015!
Donné à Lilavois, au Siège de la Conférence Épiscopale,
en la fête de la Médaille Miraculeuse,
le 27 novembre 2014.