Jean-Claude Duvalier: sa plus grande erreur politique
📅 Texte publié le mardi 14 octobre 2014
A 19 ans, Jean-Claude Duvalier, fils d’un dictateur qui s’est proclamé président à vie après avoir décapité presque toutes les institutions respectables du pays et qui s’était maintenu au pouvoir en instaurant un règne de terreur avec le concours d’une milice, s’était vu attribué, au début de l’année 1971 l’héritage du duvaliérisme.
Le 22 avril, il prenait possession de cet héritage en devenant le successeur de son feu père. Pour l’assister, un petit groupe de fidèles et de durs du régime devaient contribuer à son éducation, une éducation de patronage tendant à préserver les principes de la doctrine duvaliériste et surtout éviter toute rupture entre les générations dans la dynamique de transmission de ses valeurs et contre-valeurs.
Jean-Claude Duvalier avait pourtant atteint cet âge et cette expérience où il pouvait filtrer les éléments de cette éducation de patronage et assumer une posture différente rien que pour le jugement de l’histoire. Il pouvait, par exemple, se démarquer de la présidence à vie et ouvrir un sentier qui irait en s’élargissant vers une ambiance politique acceptable par la majorité.
Le début des années 80 lui avait donné cette opportunité de prouver au peuple Haïtien et aux observateurs étrangers qu’il avait une identité propre en renégociant les modalités de la gestion du pouvoir hérité, sans renier totalement son appartenance politique. En admettant la pluralité politique, en organisant des élections générales, en se présentant même comme un candidat à sa succession, il aurait montré clairement son intention qui serait assimilé dans certaines sphères politiques et probablement interprété par les historiens comme un acte de courage et un comportement politique hautement altruiste.
Les Haïtiens ont un penchant pour les personnes généreuses même quand ils ne sont pas les bénéficiaires de leurs actions. La grande majorité aurait vu dans ce geste, non seulement un acte de libéralité, mais une attitude de rejet des nombreux vices et expressions contre-productives du gouvernement de son père telles son égocentrisme, sa cupidité, ses méthodes redoutables pour installer la peur dans les esprits et réduire au silence ses critiques, enfin, sa bassesse.
La Constitution de 1983 montre bien qu’il avait choisi la voie opposée. Par ce, il s’était réapproprié les traditions politiques familiales et pensait ainsi contribuer au prolongement d’un système abhorré en refusant de décanter l’héritage politique au niveau individuel. Par ce, il avait commis la plus grave erreur de sa vie politique.
Il est vrai qu’une telle abnégation politique aurait exigé de sa part un surplus de travail pour convaincre le peuple de sa bonne volonté, pour élaborer un projet de société fiable qui résisterait aussi bien aux assauts des opposants ou adversaires que des faucons duvaliéristes. Une grande discipline aurait été également un impératif.
L’une de ses phrases célèbres «Pitit tig se tig?» montre bien qu’il avait revendiqué la pureté de sa filiation à un système décrié aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, et avait voulu rester le protecteur des legs et traditions du passé.
L’histoire, étant le récit d’événements, l’exposé de décisions ou l’étude d’actes ayant un grand impact sur une société et non l’analyse d’intentions jamais traduites en faits, retiendra son choix alors que l’opportunité lui était offerte pour opter pour une solution différente. Son refus de renoncer aux principes néfastes d’une doctrine devenue hypertrophiée lui a valu un exil de 25 ans, une déchéance physique rapide et probablement une mort inopinée.
J.A.