A la recherche d’un Nelson Mandela

« Sa victoire sur l’apartheid, son refus de céder à l’amertume et à la soif de vengeance représentent l’une des plus grandes victoires de l’Humanité »

Président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland(1)

Nelson Mandela: MonumentLa mort de Nelson Mandela a été prévisible. Il avait atteint cet âge où chaque jour devient une bénédiction et avait été hospitalisé près de quatre fois cette année. Et pourtant l’annonce de son décès, ce jeudi 5 décembre, a causé beaucoup d’émoi dans le monde et ce, au-delà des idéologies politiques, des croyances religieuses, des classes sociales et des ethnies. C’est ce qui arrive quand quelqu’un transcende le profil qu’on veut lui imposer pour élever sa stature et s’imposer par des actions qui étonnent, qui suscitent l’admiration et qui réduisent au silence les ennemis les plus implacables. Voilà donc ce qui a fait la grandeur de Nelson Mandela. Le monde en a pris note et s’est courbé devant sa dépouille ce mardi 11 décembre dans un stade plein à craquer.

Arrêté au début des années ’60 pour avoir osé dénoncer et combattre l’Apartheid, ce système discriminatoire mis en place par des Européens établis en Afrique du Sud après la fin de la seconde guerre mondiale, il fut détenu pendant près de 27 ans. Émergé de ce lieu sordide le 11 février 1990, le monde s’attendant à voir un homme aigri, couvant des idées revanchardes et découvre ce jour-là un homme plein de courage, de dignité, d’optimisme et de compassion, prêt à franchir le seuil du temple de la réconciliation pour pouvoir ainsi enterrer une fois pour toute, le système qu’il avait combattu pendant 20 ans.

Au moment de cette libération Haïti vivait des moments d’incertitude plus divisée que jamais, alors que tous s’attendaient à la voir affranchie après un parcours de 27 ans parsemé d’assassinats, de règlements de compte, d’exils volontaires et involontaires, de trahisons. Épiant les gestes du leader africain, on osait espérait que parmi nous s’élèverait quelqu’un qui puiserait son inspiration dans ses actions; quelqu’un qui se proposerait de finir avec le système qu’on pensait avoir déraciné en ce début de février 1986, en invitant les fils et filles de Dessalines sous la tente de la réconciliation; quelqu’un qui tendrait la main aux fractions opposées pour leur montrer le chemin à parcourir et les inviter à faire route ensemble. Il se révéla que notre pays manqua encore d’hommes de cet acabit.

Nos leaders continuaient à privilégier la confrontation même quand ils parlaient de tête à tête, de « coumbite » et de réconciliation. Ils affichaient cet entêtement à vouloir conserver le statu quo qui maintenait la majorité dans une dépendance économique totale. Ils fermaient leurs yeux sur les abus, les violences et les actes d’intimidation commis sur leurs concitoyens démunis parce que, ne voulant pas aliéner les puissances et groupes locaux commanditaires qui semblaient alors tenir la clé du pouvoir. Ils pactisaient secrètement, au-delà de nos frontières, avec les ennemis de la nation. Il n’est pas étonnant que ces leaders n’inspiraient aucun respect et fut même l’objet de suspicion de la part de l’électorat.

Nelson Mandela, le leader sud-africain a su inspirer bon nombre de leaders du monde. Il n’a pas su briser la carapace égotiste de nôtres devenus de plus en plus intolérants, n’hésitant souvent pas à recourir à la violence pour s’imposer et imposer le silence aux critiques.

S’il est vrai, comme l’a déclaré le président Obama, qu’ « il n’y aura plus jamais quelqu’un à la hauteur de Mandela » (2), nous avons encore des décades de tribulations, de misère et de frustration devant nous. N’empêche, nous sommes toujours à la recherche de notre propre Nelson Mandela.

J.A.

  1. Lors de la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix 2013.
  2. Eulogie de Barak Obama à la Cérémonie historique d’adieu à Nelson Mandela u stade Soccer City de Soweto (Afrique du sud). 10 décembre 2013.