Haiti explose aux mains de l’occupant
📅 Texte publié le jeudi 24 mai 2012
Texte reçu le 21 mai 2012
Dr Jean L. Théagène
De mémoire de journaliste, d’historien et d’homme politique, jamais Haïti, notre pays n’avait atteint ces limites d’opprobre, de souillures et d’avilissement. De Soulouque à Duvalier en passant par les horreurs bien compréhensibles du Cacoïsme version nordiste du Piquétisme, la dignité, la moralité collective n’ont jamais été soumises à tant d’épreuves. Et l’Histoire, la grande Histoire ne peut retenir que cette ère de honte et d’avilissement considérée par tous ceux qui se sont toujours réclamés d’Haïti à la première année d’un mandat présidentiel, comme l’une des plus grandes impostures du siècle naissant, quand un Président en exercice d’un pays et ses sbires s’y sont jetés avec le zèle intempestif des croisés de l’immoralité politique.
N’étant pas un disciple de Platon, de Spinoza peut-être, après avoir annoncé et toléré la remobilisation de militaires démobilisés, le Président d’un pays occupé militairement et économiquement sollicite de l’occupant la force nécessaire devant déloger à coups de canons les dignes représentants des forces armées du pays au jour même du 18 Mai 2012, Fête du Drapeau National. Par cet acte, le gouvernement Martelly rejoint en droite ligne les gouvernements Aristide- Préval qui, relayant sans vergogne les billevesées des soi-disant pays amis d’Haïti faisaient passer les membres de cette honorable institution pour une association de malfaiteurs. A lire ou entendre leurs élucubrations, on se demande perplexe à partir du noir tableau des anciennes forces armées d’Haïti, comment une telle engeance a pu subsister pendant si longtemps dans le voisinage de la plus grande démocratie de la Planète. Aux badauds, ils vont jusqu’à faire dire que cette Armée ne faisait que violer, voler, tuer et qu’elle peut encore continuer dans cette direction diamétralement opposée au gouvernement Martelly et de ses commanditaires.
Tout esprit avisé serait tenté de rire aux éclats, n’était la conscience qui les anime de l’imminence d’une catastrophe planifiée. Qu’il s’agisse de tous les gouvernements qui ont succédé aux Duvalier, les nouvelles en provenance d’Haïti traitées dans les grandes officines occidentales ne présentent d’intérêt que dans la mesure où elles affaiblissent l’identité haïtienne. Jamais une image correcte de la réalité nationale ! Mais toujours des ombres sinon des ténèbres sur la ligne de profit de certains hauts fonctionnaires internationaux en mission et dont les véritables enjeux dans les conjectures Tiers-mondialistes restent jusqu’ici imprécises.
On ne saurait nier que les Césarismes successifs au Pouvoir en Haïti depuis 1804 aient fait plus de mal que de bien au pays qu’aux lendemains du 7 Février 86 où cette armée a donné le spectacle hideux de son inconvenance structurelle ; que les cruels jeux de balancier d’une soldatesque dépenaillée mais unie à son haut commandement aient de plus en plus affecté la vie pastorale de la société haïtienne. De Namphy, le chouchou dépité à Avril, le malin en service, le patriotisme haïtien a pris un coup de froid pour finir par se perdre dans les récriminations hargneuses des faiseurs d’anti-symboles. Et les brutes épaisses ont finalement cédé la place aux fauves primitifs que la communauté internationale se fait fort d’encager aujourd’hui dans les limites antinaturelles et extra-constitutionnelles de ce qui fut, malgré tout un espace paradisiaque.
Mais si l’armée d’Haïti, léguée par l’occupant en 1934, s’était arrogée le droit de contester les pouvoirs civils de l’époque, si à partir de 86, elle s’était arrogée le droit de rançonner la population avec le niveau d’impunité que l’on sait c’est simplement qu’elle obéissait aveuglément aux ordres émanant des grands centres de décision qui rétribuaient grassement et en sous-main les hauts cadres de cette institution. Dès lors qu’elle était payée de l’extérieur, elle ne put qu’évoluer en marge de toute dignité, de tout nationalisme, de tout patriotisme. A la limite, les militaires rectilignes qui n’étaient guère nombreux ont été subtilement écartés sinon effacés des rangs de l’institution pour qu’au moment choisi pour le coup fatal, ils ne viennent compromettre d’un quelconque nationalisme résiduel, le processus de corruption et d’aliénation décidé de haut.
C’est un truisme de penser que les cadres supérieurs et moyens de l’institution haïtienne défunte se sont empressés de se réfugier en Amérique du Nord et d’y dépenser les fruits de leurs services. Mais les petits soldats qui n’ont pas les moyens d’obtenir un visa pour ces prétendus lieux paradisiaques sont bien obligés de réclamer leur dû légitime et constitutionnel, c’est-à-dire leur pension de retraite ou le remboursement de leur cotisation. Ils ne se croient pas obligés de payer pour les fautes commises par leurs commandants monnayés moins par l’Etat Haïtien que par des officines étrangères. Au pays des corrompus-corrupteurs, on ne saurait passer sous silence la collusion des instances internationales avec les organes hautement subversifs de la nation. Cette gangrène,(la corruption) s’est infiltrée partout, aussi bien dans la défunte armée que dans les organes de culte, les banques, la société civile, les ONG, les organismes des droits de l’homme etc… classe aujourd’hui Haïti au cinquième rang des pays les plus corrompus de la planète.
Quoi de plus normal que d’anciens soldats secondés par des jeunes en formation utilisent le droit fondamental de la revendication pour sortir de l’étau dans lequel les enferment les gouvernements de la honte. Leur refuser ce droit en les présentant dans les geôles d’Andresol pour mieux fêter le drapeau de l’ONU en lieu et place du bicolore tient du cynisme et d’une perception anti-démocratique de la réalité Haïtienne. On n’arrive pas à comprendre l’attitude de la Communauté Internationale qui, de tout temps, a appuyé l’armée et ses auxiliaires de répression et qui, aujourd’hui, les renie en bloc. À assister à un spectacle de tant d’infamie, monté sur les tréteaux d ‘une île qui a derrière elle, une tradition de sérénité quelquefois mouvementée, à participer ou à être requis de participer à une forfaiture si atroce, on est tenté de regretter l’absence d’hommes verticaux qui n’ont jamais renié leur métier d’homme. Il faut croire que le temps des Héros est nettement révolu.
Dr Jean L. Théagène
Miami, le 21 Mai 2012