Message des Évêques d’Haïti à l’occasion de la Noël 2011
📅 Texte publié le vendredi 16 décembre 2011
Texte reçu le 10 décembre 2011
1.- Le temps de l’Avent nous offre l’occasion de nous préparer activement à accueillir dans la joie et l’action de grâce la venue du Messie de Dieu (Is 45,8), le seul qui soit capable de nous sauver (Tt 2, 11-12). L’Avent qui mène à Noël est un temps fort d’espérance, « une espérance qui ne déçoit pas » (cf. Rm 5,5), parce que fondée sur la certitude et l’assurance de ce que Dieu a déjà réalisé en Jésus-Christ. N’est-Il pas d’ailleurs entré dans notre histoire pour assumer notre condition humaine et pour ouvrir nos espoirs humains à la dimension de l’espérance divine?
2.- Le Seigneur, notre Dieu et Père, a voulu faire de l’homme un acteur responsable de sa vie et de sa destinée. En effet, « s’il a créé l’homme sans l’homme, il ne veut pas le sauver sans lui, c’est-à-dire sans sa libre collaboration » (cf. Saint Augustin). Déjà, quand l’éternité entre dans le temps n’est-ce pas pour le transformer et le valoriser ? Aussi, devons-nous apprendre à bien gérer notre temps pour faire avancer notre pays. L’homme haïtien est appelé à organiser et à structurer aussi son espace, son environnement et son terroir suivant ses exigences et ses besoins d’aujourd’hui et de demain dans le milieu où il évolue. Un peuple qui travaille, mettant de son propre cru, investissant au jour le jour ses potentialités et ses compétences ne peut-il pas espérer un avenir meilleur qu’il est en train de bâtir?
3.- Mais, s’il vit dans l’attentisme et la nonchalance, il n’arrive plus à espérer rien de lui-même, il attendra servilement tout des autres, il finira par détruire peu à peu sa personnalité et son identité. S’il se déprend des facultés que Dieu lui donne et va à la remorque d’un autre qui pense pour lui, décide pour lui, planifie pour lui aussi, il deviendra l’artisan de son propre malheur. S’il ne contrôle pas bien son patrimoine social et historique, son patrimoine culturel et religieux, ses ressources naturelles, s’il abdique son autonomie pour vivre sous le dictamen d’un autre, il concourra à sa propre perte.
4.- Frères et Sœurs d’Haïti, réveillez-vous (cf. Rm 13, 11-12)! Gouvernants, hommes d’État, mandataires du peuple, professionnels et ouvriers, frères et sœurs des camps, chômeurs et salariés, jeunes et moins-jeunes, compatriotes d’ici et d’ailleurs citadins et paysans soyez clairvoyants ! Ne voyez-vous pas que par trop d’absence de bonne gouvernance, par trop de manque grave d’organisation, par l’acceptation éhontée de la corruption et par le blocage d’initiatives de développement, notre pays est en train de fuir entre nos mains, ses grands dossiers nous échappent, son unité et sa souveraineté s’effritent ? Sa population ne cherche-t-elle pas à émigrer un peu partout, tandis que d’autres convoitent cette terre de plus en plus et s’y installent en maîtres ? En effet, toute maison non gardée attire les envahisseurs.
5.- En naissant parmi nous, Dieu nous dit combien Il aime la terre (1 Jn 4, 9). Apprenons donc à vraiment chérir notre Haïti. À Noël, Dieu dit à l’homme qu’Il compte sur lui, qu’Il a besoin de lui et qu’Il le respecte. Apprenons à compter les uns sur les autres dans la confiance et le respect réciproques. Puisque Dieu est venu aussi nous dire que toute personne humaine est sacrée et a du prix à ses yeux (cf. Is 43,4), donnons à tous les fils et filles de ce pays la possibilité de s’engager pour le développement humain intégral, d’assurer la protection de notre environnement et de garantir la sécurité nationale.
6.- Rares sont ceux qui, à la manière de Dieu, donnent en toute gratuité. Nous vous exhortons donc à ne pas continuellement tout attendre en cadeau des autres : des routes et des ponts en cadeau, des écoles et des hôpitaux en cadeau, des bâtiments administratifs et religieux en cadeau, des logements et des aliments en cadeau, des forces de sécurité en cadeau. Il n’y a aucune honte à accepter d’être accompagné et aidé. Nous l’avons été tout comme bien d’autres peuples. Cependant, nous devons assumer notre responsabilité en prenant en charge, de manière résolue, notre présent avec notre avenir par de sages options et d’intelligentes planifications en vue de notre autonomie.
7- Pour parvenir à cette prise en charge nationale, nous avons besoin d’un climat de dialogue dans la vérité, de dépassement, de réconciliation, de tolérance, de cohésion sociale, de coopération digne et respectueuse. Tout cela contribuera à la stabilité sociale et politique.
8.- Frères et sœurs d’Haïti, debout, relevons la tête ! Nous sommes convaincus que la nouvelle Haïti dont nous rêvons tous ne sera pas un cadeau, mais plutôt le fruit des efforts conjugués de tous indistinctement. Donc, soyons-en les artisans responsables selon le dessein de Dieu. Car, « Dieu fait confiance à l’homme et il désire son bien. C’est à nous de lui répondre avec honnêteté et justice à la hauteur de sa confiance. »
9.- Que le Fils de Dieu devenu homme parmi les hommes pour sauver la personne humaine dans toutes ses dimensions soit notre divin et fraternel inspirateur et que sa Mère, la Vierge Immaculée entretienne en nous le souffle de l’espérance et la force de l’action.
Que Jésus, Celui qui n’a pas eu où reposer la tête et, Marie, Celle à qui a été refusé un abri décent réconfortent les sans-logis de notre temps et nous permettent de pouvoir travailler à les reloger dignement.
Que Noël nous ouvre à la confiance pour découvrir dans chaque pauvre le visage innocent de l’Enfant Jésus.
Que l’année 2012 nous offre l’occasion de bâtir une société plus juste et plus fraternelle.
Donné au Siège de la Conférence Épiscopale d’Haïti à Lilavois,
le 2 décembre 2011,
1er vendredi de l’Avent,
fête de Sainte Bibiane, vierge et martyre.