Hommage de Karim Akouche de la Traversée à l’écrivain Gary Klang

L’écrivain Gary Klang a été doublement honoré le samedi dernier, 29 octobre 2011, par la Kabylie (Algérie), via la troupe la Traversée, d’une part ainsi que par le premier ministre du Québec, Jean Charest, et le Gouvernement québécois.

Ces hommages amplement mérités rejaillissent sur Haïti et toute la littérature haïtienne.

Ci-après l’hommage de Karim Akouche de la Traversée.

Texte reçu le 1er novembre 2011,
Courtoisie d’Alix Renaud et de Denise Bernhardt, SPF – Déléguée pour Haïti

Gary Klang. photo © Paul Labelle Montréal, 1998À qui veut définir mon ami, mon frère, Gary Klang, je demande que l’on retienne au moins deux grâces, celle de la langue et celle du sens. Sa plume est ciselée. Sa verve est sagace. Avec une dextérité singulière, il a trempé sa plume dans le soleil, le sang et larmes de son île. Non, sans aucune tristesse, car, il a su marier tour à tour, et avec brio, la force poétique d’Apollinaire, la noirceur de Céline, l’humour grivois, mais attendrissant, de Rabelais et l’absurde de Camus.

Depuis son premier recueil, Ex-île, jusqu’à son dernier, Toute terre est prison, en passant par ses romans, L’île aux deux visages, œuvre de référence pour qui veut comprendre la grandeur et la décadence
de l’île, L’adolescent qui regardait passer la vie, son essai, Je ne veux pas mourir chauve à Montréal, son recueil de nouvelles, Kafka m’a dit, et bien d’autres livres que je ne citerai pas ici, Gary a su combiner les mots, inventer des concepts originaux et façonner des personnages insolites.

Il est des écrivains qui savent sonder les âmes, observateurs aiguisés des événements qui échappent au commun des mortels, ils traduisent l’impuissance des choses et des êtres par les mots et en font des œuvres sublimes. L’écrivain ne serait-il pas ce divinateur qui anticipe les événements et qui prévient les aventuriers. J’en veux pour preuve Albert Camus et les reportages qu’il a effectués en Kabylie en 1939. Faute de s’attaquer frontalement au système colonial, c’est à travers plusieurs exemples d’une misère poignante qui sévissait aux portes d’Alger que le futur Prix Nobel de littérature a démontré l’inconsistance de l’entreprise coloniale, sinon comment expliquer que quelques mois bien avant le séisme qui a frappé son île, Gary Klang avait écrit un poème prémonitoire qu’il m’avait envoyé où il avait évoqué ce qui allait devenir la plus grande tragédie d’Haïti.

En voici la teneur :

La carrière de sable
Ressemble à un vieux corps sans âme
Tout comme cette terre qui s’enfonce dans la mer
Et la mer qui prend couleur de sang séché.
La ville assiège le port
Elle n’a plus rien des murs de ma mémoire.

Toute terre est prison.
La mienne a pris la couleur du sang frais,
Et les enfants se meurent sous les dalles d’insouciance.
Même le soleil vous fait grise mine.
Les fruits n’ont pas d’odeur
Ils sont tous blets avant d’éclore.

Quelle est donc cette souffrance qui s’acharne sur ma terre
Tout espoir s’est figé comme une bougie éteinte.
Ma terre-prison aux murs de peur.
La mer couleur de sang.

Quelle est donc cette douleur qui s’attaque à mon île?
Ma terre est un très vieux souvenir qui s’estompe dans les sables.

La littérature de Gary Klang coule d’une source d’idées traversant le lit de la beauté pour finir enfin dans une mer de lumière.

Bonne réception.

Karim Akouche
La Troupe la Traversée
(438) 76-9315