19 septembre 2011: Centenaire du décès d’Anténor Firmin
📅 Texte publié le samedi 17 septembre 2011
Texte reçu le 16 septembre 2011
Par Jean A. Cyriac
Ce 19 septembre ramène l’anniversaire du décès d’Anténor Firmin, premier anthropologue haïtien, respectable nationaliste et homme politique.
Capois de pure souche, Anténor Firmin naquit le 18 octobre 1850. Avocat de profession, il exerça plusieurs charges dans l’administration publique dont celle de premier diplomate sous le gouvernement de Florvil Hyppolite. A ce poste, il déjoua le plan du grand voisin du Nord qui voulait s’accaparer du Môle Saint Nicolas pour en faire une base militaire.
Comme il était de coutume en Haïti, le successeur du gouvernement qu’il avait servi fit de lui un suspect et, pour s’en débarrasser, lui confia le portefeuille de ministre haïtien à Paris. Il ne tarda pas à abandonner ce poste et revenir dans sa ville natale où il reprit ses habits d’opposant. Il prit la tête d’une insurrection et établit même un gouvernement provisoire au Gonaïves.
Pendant près d’une décennie, Firmin essaya de se faire élire ou acclamer président. Chaque tentative se solda par un échec suivi d’un exil. Celui subi sous le gouvernement de Cincinnatus Leconte mit fin à ses rêves (1) et à ceux de ses nombreux partisans dont des jeunes intellectuels et farouches nationalistes de l’époque, fatigués de la férule des généraux et qui ne cessaient de dénoncer les contrats de leurs gouvernements avec des firmes étrangères, hypothéquant ainsi la souveraineté du pays. Firmin représentait pour eux l’homme capable de renégocier ces contrats et éviter au pays une catastrophe annoncée. Mais les vieux barrons de la politique de l’époque, avec le support des représentants diplomatiques des puissances étrangères, veillaient. Firmin devint donc, comme bon nombre de compatriotes qualifiés et zélés qui pensaient mettre leur talent au service du pays, une victime des aléas de la politique haitienne.
Alors que la majorité de ses adversaires, surtout ceux qui ont pu se faire acclamer par l’Assemblée nationale n’ont laissé qu’un maigre héritage quand ils ne sont pas tout simplement honnis, Firmin, quoiqu’un éternel perdant, resta cependant une référence pour ceux qui étudient cette période de notre histoire. De plus, sa participation aux discussions devant marquer la naissance de l’anthropologie à la fin du 19è siècle fit de lui un pionnier de cette discipline en Haiti. Disputant les thèses racistes du théoricien Joseph-Arthur Gobineau (1816-1882) qui essaya de les mettre en valeur en faisant appel à la science (2), il publia De l’égalité des races humaines (3).
En nous rappelant de ce centenaire, nous ne nous pouvons nous empêcher de relever des similitudes entre la dernière année de Firmin et notre époque.
En 1911, le pays vivait un cauchemar, et quand finalement il se réveilla, il se retrouva sous une humiliante occupation qui a duré 19 ans. Aujourd’hui, l’occupation a déjà eu lieu et, avec elle sa cohorte de malheurs et d’humiliations dont le choléra, cette peste qui a déjà fait plus de 6.000 victimes, le viol des mineurs (4), et surtout l’ingérence peu diplomatique voire éhontée des leaders de la force d’occupation dans les affaires du pays sous l’oeil complaisant ou l’acquiescement de nos dirigeants, de nos élites intellectuelles et de ceux qui se font passer pour les chefs de file de la société civile.
Firmin, après un siècle, ton pays n’a vraiment pas changé!
Jean A. Cyriac
15 septembre 2011
Boston, MA (USA)
✍ Note:
- Il rendit l’âme le 19 septembre 1911 à Saint Thomas.
« Gen. Antenor Firmin Dead: Revolutionist Once Proclaimed President of Haiti, but Driven Into Exile. » New York Times (Sept. 20, 1911); p. 13. - Essai sur l’inégalité des races humaines. 4 volumes. [Paris : Belford, 1853-1855].
Des supremacistes continuent à se référer aux thèses de Gobineau pour justifier leur position raciste, voire des genocides. - De l’égalité des races humaines : Anthropologie positive. Paris : Librarie Cotillon, 1885.
- RNDDH. Un Jeune de Port-Salut violé par des agents de la MINUSTAH : Le RNDDH réclame Justice pour la victime. Site Web : 5 septembre 2011
(http://www.rnddh.org/IMG/pdf/MINUSTAH_PORT_SALUT-2.pdf). Visité le 17 Sept. 2011.
[Dans ce document, l’organisme de défense des droits humains haïtien rapporte plusieurs cas de viol où sont impliqués des agents ou soldats de la MINUSTAH.]